Spirou et Fantasio 56. La mort de Spirou

C ’est l’effervescence et l’inquiétude chez Dupuis. À quelques jours de la célébration du centenaire de la maison d’édition, son personnage phare reste introuvable. Les couloirs, ornés des portraits de Choc, de Gil Jourdan, d’un Schtroumpf ou de Lucky Luke, résonnent de la colère du directeur et des protestations de mademoiselle Jeanne. Quelques jours plus tôt, Spirou et Fantasio terminaient leurs vacances par la lecture d’un article de Seccotine sur Korallion 2.0, cité sous-marine, dont la première version était le théâtre de Spirou et les hommes-bulles. Il y est question d’un scandale écologique et de Zorglub, supposé disparu à jamais, rebaptisé Buzz Lorg. De passage à Champignac, le comte partage un certain nombre de ses recherches en cours avec les deux compères et fait état d’une mystérieuse invasion de limules, arthropodes marins à l’aspect peu avenant. Il n’en faut pas davantage pour que Spirou décide de prolonger ses congés par un séjour dans la ville subaquatique, afin de démêler cet écheveau de questions. Le duo de compagnons y est reçu en grande pompe par madame D’Oups, la présidente. Les paysages sont paradisiaques, l’accueil est chaleureux, mais tout semble trop beau pour être honnête. Lors de leur première nuit, Spirou et Fantasio reçoivent de la visite.

Derrière cette couverture qui renvoie inévitablement à celle du Repère de la murène, se développe une suite de Spirou et les hommes-bulles, confiée à une toute nouvelle équipe. Pour la concocter, deux scénaristes, Benjamin Abitan, débutant dans le domaine, ayant précédemment travaillé, entre autres, à la radio, et Sophie Guerrive (Tulipe et Moustique répond toujours présent), ainsi que Olivier Schwartz (Les Enquêtes de l’inspecteur Bayard et diverses reprises) au dessin. Graphiquement, le spectre de Franquin n’est plus présent. Le rafraîchissement de la série va plus loin, puisque les protagonistes sont projetés dans le présent. Il y est ainsi question de réseau téléphonique, de tablette, d’influenceuse et de pilotage automatique. De fameux sites de recherche internet ou d’évaluation de structures touristiques y sont également mentionnés. Pour autant, les canons de la série sont bien respectés : l’aventure, le rythme trépidant, les caractères des deux principaux personnages, le recul railleur de Spip. La Mort de Spirou ne déçoit donc pas, si ce n’est par l’absence du Marsupilami, ingrédient incontournable de cet univers.

Le lecteur sera éventuellement davantage perturbé par le graphisme d’Olivier Schwartz, qui ne cherche pas à se mettre dans les pas de ses prédécesseurs. Franquin reste incontournable et inégalable, il est donc opportun de créer un univers graphique nouveau et ne plus prêter le flanc à la comparaison avec le maître. La série spin-off Une aventure de Spirou et Fantasio par (…) avait préparé le terrain. Schwartz y avait d’ailleurs illustré Le Groom vert-de-gris, La Femme Léopard et Le Maître des hosties noires. La dynamique et la simplicité de son trait, qui fait davantage penser à Frank Le Gall qu’à l’école de Marcinelle, servent parfaitement cette histoire de science-fiction. Le petit groom téméraire et le journaliste tonitruant n’ont pas fini de charmer.

Moyenne des chroniqueurs
7.5