14 juillet - Destins d'une révolution

L e 17 juin 1989, Jeannette, jeune provinciale, chemine en compagnie de son oncle vers la capitale. Ce dernier l’informe des derniers événements politiques : les États Généraux sont réunis depuis peu ; le peuple, qui se tue à la tâche et ploie sous les impôts, est représenté par le Tiers État. Au même moment, le jeune avocat Camille Desmoulins devise avec sa promise, Lucile Duplessis, pamphlétaire défendant une monarchie constitutionnelle et des droits pour les femmes. De son côté, Jean-Baptiste ne trouve pas de travail : sa famille va devoir quitter précipitamment son logement. Des jours sombres s’annoncent pour eux. Launay, gouverneur de la Bastille, joue aux échecs avec Hubert Solages, un détenu, pendant que le marquis de Sade crie par la fenêtre qu’on égorge les prisonniers. À l’abri au Petit Trianon, Marie-Antoinette sent que son monarque d’époux est en train de céder à l’influence de Necker et décide d’intervenir dans le destin du royaume.

De la cour de Versailles au Palais-Royal, de la reine au quidam, de ceux qui subissent la misère à ceux qui construisent leur destinée, les préoccupations sont les mêmes : le Tiers État se constituera-t-il en Assemblée Nationale ? Louis XVI rappellera-t-il Necker ? Jusqu’où les parties en présence iront-elles dans la violence ?
Hervé Pauvert et Cécile Chicault (La Saga de Wotila) choisissent avec 14 juillet, destins d’une révolution de raconter les vingt-huit jours qui ont précédé la prise de la Bastille en multipliant les points de vue. En vingt chapitres, ils mettent en place une mosaïque narrative à l’issue de laquelle des parcours de vie éloignés ou opposés vont se rejoindre dans l’affrontement ou la fraternité. Les fils convergent, les nœuds se défont et les consciences se cristallisent sur la journée qui sera choisie, en 1880, pour symboliser la Fête Nationale. Mais l’éclatement des perspectives ne signifie ni désordre ni confusion. Bien au contraire, le récit est ici totalement maîtrisé et le propos est limpide. Depuis plusieurs années, l’Histoire, en tant que discipline scientifique, pratique ce décentrement et cette multiplication des approches, afin de tendre au mieux, si ce n’est vers la vérité, au moins vers une plausibilité accrue.

Le dessin de Cécile Chicault est de facture classique et réaliste. Si on peut lui reprocher ponctuellement une certaine rigidité des personnages ou un manque de précision (l’artiste n’est pas très à l’aise avec les chevaux), il remplit parfaitement son rôle narratif et sait garder son élégance tout au long des cent-vingt pages de l’album. La mise en couleur est à souligner pour sa précision et sa capacité à créer des atmosphères.
14 juillet, destins d’une révolution permet de battre en brèche certains clichés ou d’excessives simplifications sur cet épisode qui suscitera des espoirs et des peurs, qui engendrera la première République, la Terreur ou les guerres de Vendée, qui incarnera les contradictions de l’action politique. La dimension pédagogique est assumée, sans être pesante.

Il est temps de se plonger à nouveau dans cette période passionnante où les idées occupaient largement les débats, où les femmes et les hommes, sans en être totalement conscients, dessinaient les temps modernes.

Moyenne des chroniqueurs
7.0