Poutine - L'ascension d'un dictateur

N é dans la pauvreté, malingre et bagarreur, Vladimir Poutine souhaitait travailler au KGB. Il y parvient ; sa carrière se révèle cependant banale, jusqu’à sa démission à l’aube des années 1990. S’amorce alors une trajectoire politique dans un état à la dérive, où une poignée d’oligarques s’enrichissent inconsidérément pendant que le peuple meurt de faim. La fulgurante ascension de l’autocrate repose sur la menace, la manipulation, la corruption et les détournements de fonds ; sa fortune est d’ailleurs estimée à 200 milliards de dollars. Pour demeurer en poste, il fait sienne la devise : « La fin justifie les moyens ». Ses contradicteurs n’ont qu’à bien se tenir s’ils ne veulent pas finir en prison ou assassinés. Sa gestion des affaires internationales est à l’avenant et la guerre qu’il a récemment déclarée à l’Ukraine n’étonne personne.

L’ascension d'un dictateur est très documenté. David Cunningham y rappelle et y analyse des événements connus : emprisonnement de chanteuses punk, assassinat d’un opposant à Londres ou ingérence dans les élections américaines. Pris isolément, ces faits sont troublants ; mais lorsqu’ils sont regroupés, ils deviennent carrément terrifiants : il y a un psychopathe à la tête d’une des puissances du monde.

Dans cet album présenté comme une biographie, l’auteur n’explique pas vraiment les motivations du despote (il est peu question de son enfance, de sa famille ou encore de ses amis). Le maître du Kremlin apparaît du reste assez discret dans cet album centré sur les conséquences de son action, alors qu’il aurait été intéressant de se pencher sur l’exercice du pouvoir dans ce pays. En cela, Erdogan, le nouveau sultan, publié il y a quelques mois par le même éditeur reste moins en surface. Au final, le lecteur connaît davantage la société post-soviétique que l’homme qui la dirige avec une main de fer (dans un gant de crin).

À défaut de véritables révélations sur l’individu, le journaliste aurait pu l’inscrire dans une continuité : des tsars à aujourd’hui, en passant par les bolchéviques, cette région n’a jamais goûté à une démocratie durable. Il aurait également été possible de mettre le personnage en perspective avec l’avènement d’une génération de politiciens fantasques à la morale élastique : Donald Trump, Xi Jinping, Kim Jong-un, Jair Bolsonaro et quelques autres.

Il y a peu à dire sur le dessin ; ce dernier joue essentiellement un rôle de soutien. Le trait réaliste permet de facilement reconnaître les intervenants ; l’illustrateur fait par ailleurs preuve d’une belle économie de moyens en se contentant souvent d’un objet ou d’un élément de décor pour résumer un contexte ou un état d’esprit.

Un livre intéressant, qui donne froid dans le dos.

Moyenne des chroniqueurs
6.0