Jukebox motel 2. Vies et morts de Robert Fury

C ’est l’histoire de Thomas Shaper, alias Robert Fury, peintre new-yorkais ayant connu un succès foudroyant, dans tous les sens du terme. Il migre en Californie, laissant derrière lui compagne et marché de l’art. Il y rencontre par hasard, dans un bar, Johnny Cash, qui cherche un havre de paix. Shaper trouve un vieille bâtisse isolée et fonde le Jukebox Motel, refuge, bar et atelier. Mais la tranquillité se fait encore désirer, tant toujours il reste en proie à ses démons familiaux et obsédé par la peinture. En cette année 1969, il devient père. Joan le rejoint avec l’enfant. L’artiste vient d’honorer un contrat de quarante toiles et ne veut plus toucher à ses pinceaux. Il se lie à Ted, un voisin dévoré par les horreurs vues et vécues au Vietnam. Joan repart précipitamment, et le voici seul à nouveau. C’est l’alcool qui lui permet de tolérer sa solitude.

Vies et morts de Robert Fury est le second tome du diptyque Jukebox Motel. Le premier volume, La mauvaise fortune de Thomas Shaper, a été publié au printemps 2021. Ce récit a d’abord été un court-métrage de Tom Graffin, biographe familial et auteur de chansons, puis un roman en 2016. Les éléments à l’origine de ces diverses versions ont un véritable potentiel narratif, même s’ils ne sont pas forcément très originaux : le monde de la peinture contemporaine, les affres de la réussite brutale, l’isolement volontaire, des personnages secondaires avec de l’épaisseur, la lutte entre la paternité et la création artistique. Mais toutes ces pistes sont effleurées, jamais suivies jusqu’au bout. Les scènes se succèdent, promettant des développements, qui ne viennent pas. Des fulgurances réjouissantes dans les dialogues ou les situations retombent comme des choses flasques. Les relations et interactions entre les personnages sont trop lâches pour emmener le lecteur.

L’illustration a été confiée à Marie Duvoisin (Nos Embellies) et là réside tout l’intérêt de l’album. D’une technique irréprochable, d’une créativité enthousiasmante sur les moments oniriques ou épiques, elle possède une palette très large. Le dessin sait être discret et classique pour accompagner la narration, comme il sait être explosif et en rupture lorsque les états d’âme du personnage l’exigent. Le traitement des couleurs est vigoureux et livre de belles pages.

Celles et ceux qui ont apprécié le premier volume iront au bout de l’expérience avec cette clôture, qui, si elle laisse sur sa fin du point de vue de l’écriture, est d’une belle tenue graphique.

Moyenne des chroniqueurs
6.0