Chanson noire

F in des années 1970, Jeanine, écrivaine, hérite de la résidence familiale ; elle y emménage avec Daniel, bédéiste, et leur chienne Kally. Une inquiétante étrangeté émane du lieu. La maison, décrépite, est perdue au milieu de nulle part, même le vieil arbre devant le bâtiment apparaît menaçant. Et que dire de la cave qui terrorise le clébard ? Leurs voisins, au tempérament envahissant, se montrent également étranges. Le couple accepte néanmoins de participer à une fête organisée par les villageois à l’occasion d’une éclipse solaire.

Jeik Dion, avant tout connu comme illustrateur (Jardin mécanique, Aliss), signe son premier scénario et s’en sort très bien. Il demeure dans son domaine de prédilection, à savoir des histoires empreintes de violence, de mystère, de folie et de fantastique. Dans Chanson noire, il met en place un univers angoissant où les questions sont nombreuses et les réponses rares. Le lecteur n’est du reste jamais certain de comprendre où se termine la réalité et où commence le cauchemar. En toile de fond se lisent les tensions conjugales, les affres de la création et la quête identitaire autochtone. Peut-être le récit doit-il être interprété comme une allégorie de tout cela.

Les dialogues risquent d’étourdir les Européens. L’auteur a en effet fait le choix d’une langue vernaculaire un peu étonnante puisque les deux protagonistes sont des gens de lettres.

Le travail de l’artiste est singulier. Son trait, un peu brouillon et nerveux, fait l’objet d’un impressionnant bricolage, vraisemblablement à l’ordinateur : motifs semblables au canevas d’une toile, effet de ponçage, projections de gouttelettes, mais surtout une colorisation à l’aquarelle, souvent dans des tons d’ocre, et parfois de noirs bien sales. Les couleurs, brutalement disposées, accentuent le malaise dégagé par le livre.

Un excellent album où le créateur tire habilement toutes les ficelles utiles nécessaires pour déstabiliser le bédéphile.

Moyenne des chroniqueurs
7.0