Mortel imprévu

Édith quitte Londres et son mari brutal, un médecin, pour se rendre en Amérique. Elle y rencontre Hans, un ouvrier, avec qui elle prend le chemin du Klondike. Le couple vit avec trois autres chercheurs d’or. Le quotidien est rude, les tensions palpables et la cohabitation se termine dans un bain de sang. Découvrant des traits de personnalité insoupçonnés chez celui qu’elle croyait aimer, l’héroïne insiste pour tout de suite retourner au Sud ; le tandem devra affronter le froid et les loups.

Dans Mortel imprévu, Dominique Monféry propose une histoire finalement simple. Une femme s’affirme et fuit l’adversité. Le constat se révèle dur pour la gent masculine : qu’il soit notable ou manœuvre, l’homme demeure une menace, au point que la protagoniste choisit de faire face aux bêtes pour se soustraite à son emprise.

Il y a quelque chose de contemplatif dans cette narration fait de silences. Plutôt que de tout dire et tout expliquer, l’auteur laisse parler ses images. Il invite ainsi son lecteur à ressentir la terreur et l’angoisse, mais aussi la colère et la détermination. L’odyssée sauvage de la dame évoque évidemment les univers de Jack London, l’écrivain américain est d’ailleurs cité en quatrième de couverture.

Le magnifique dessin réaliste aux accents expressionnistes rappelle celui de Guillaume Sorel. Dans ce huis clos au cœur des grands espaces, l'illustrateur opte fréquemment pour des gros plans dans des cases étroites pour exprimer efficacement l’oppression imposée par les gens et les lieux. Petit jeu graphique amusant, en réponse à un début d’album affichant un voilier sur une mer déchainée l’artiste conclut l’aventure avec un canot flottant sur une rivière paisible. La bourgeoise aura donc trouvé la paix avec les Amérindiens, en adoptant un mode vie pastoral au milieu des bois. Cette conclusion est peut-être un peu facile.

La colorisation repose en grande partie sur des encres bleues et noires, lesquelles traduisent le froid ambiant. S’ajoutent des marrons apportant un semblant de chaleur ou de luminosité, lesquels permettent également, et surtout, de mieux percevoir le danger. Dans ce Nord où la lumière se fait rare et les nuits longues, la mise en couleurs crée d’intéressants effets de clair-obscur.

Un très beau récit d’atmosphère dans lequel le bédéiste démontre son habileté à établir et maintenir un climat de suspens. Un bémol : pourquoi diable coiffer cette bande dessinée d’un titre convenant davantage à un film de série B ?

Moyenne des chroniqueurs
6.8