Simone (Morvan/Evrard) 1. Obéir c'est trahir, désobéir c'est…

L yon, 1972. Simone Lagrange (auparavant Simy Kadosche) coule des jours heureux avec mari et enfants… même si elle est tourmentée par ses démons hérités de l’Holocauste. Lorsqu’elle apprend que les médias cherchent à rencontrer des témoins des exactions de Klaus Barbie, la machine à souvenirs se met en marche. Son tortionnaire n’était pas son seul bourreau ; elle se souvient à quel point le climat s’est rapidement détérioré lorsque les nazis se sont imposés dans l’Hexagone. À peine âgée de treize ans, elle fait preuve d’un courage hors du commun en s’engageant dans la Résistance. Obéir c’est trahir, désobéir c’est servir constitue le premier tome d’une trilogie signée Jean David Morvan, au scénario, et David Evrard, au dessin, à qui on doit déjà Irena, une série en cinq volets présentant une autre héroïne de la Deuxième Guerre mondiale.

L’auteur adopte une approche très didactique. À travers les aventures d’une famille et de quelques personnages secondaires, notamment une maîtresse d’école et une orpheline, il démontre comment un monde peut facilement basculer. Les traits de personnalités se polarisent, pour le meilleur comme pour le pire. Le portrait de la courageuse gagnerait toutefois à être plus nuancé, elle avait certainement des défauts cette gamine dont l’assurance fait parfois place à la témérité.

Le scénariste prend le temps d’expliquer les choses et n’hésite pas à interrompre la narration pour exposer les enjeux politiques susceptibles d’éclairer les événements, par exemple les mouvements de troupes allemandes, l’armistice ratifié par Philippe Pétain ou le parcours du meurtrier à la fin des hostilités. Considérations sociales, quotidien lyonnais et multiplication des époques, la trame est en apparence décousue ; Jean David Morvan parvient néanmoins à rendre l’ensemble fluide, alors que la grande et la petite Histoire se font écho.

L’artiste privilégie pour sa part un style naïf et enfantin, un peu en décalage avec le propos. Au premier abord, l’album semble destiné aux jeunes, alors qu’il n’est vraisemblablement pas approprié de le mettre entre les mains d’un môme âgé de moins d’une douzaine d’années. Aussi, ses acteurs n’ont pas d’âge. La protagoniste paraît avoir six ans, alors qu’elle en a le double. Enfin, les occupants, souvent caricaturés avec d’immenses sourires cruels et des dents pointues se montrent plus ridicules que vraiment méchants, ce n’est probablement pas l’effet recherché.

Bien que le récit demeure touchant, le sujet à un air de déjà-vu. S’il en croit les titres du prochain opus, (Je refuse de n’être plus qu’un matricule tatoué sur mon avant-bras et Quelqu’un qui caresse un chat, on ne peut pas imaginer qu’il puisse être méchant), le lecteur peut s’attendre à ce que l’histoire porte davantage sur l’engagement de la survivante au sortir des camps de concentration et sur son spectaculaire témoignage lors du procès du criminel qui affectionne les félins domestiques.

Moyenne des chroniqueurs
6.3