Iruène

L a vie d'Alex, jeune publicitaire parisien, pourrait être facile, entre travail et fêtes branchées. Elle est pourtant en train de dérailler. Ses nuits sont hantées par de terribles cauchemars. Il s'y retrouve projeté à une autre époque, dans le corps d'un guerrier tourmenté par une entité maléfique arborant l'apparence d'un loup monstrueux ou celle d'un Conquistador. Progressivement, ces rêves empiètent sur la réalité. Des hallucinations le poursuivent, lui faisant perdre pied. Pour s'en libérer, il comprend qu'il doit découvrir la signification de ce songe. Pour seule piste, il n'a en sa possession que le nom de la créature qui le défie: Iruène. Il l'identifie comme étant une divinité des populations autochtones des Îles Canaries.

Avec ce nouvel album, Griffo retrouve Aire Libre, qu'il affectionne depuis ses débuts... Pardon, malgré une maquette qui évoque fortement la célèbre collection des éditions Dupuis, cet ouvrage est bien publié par Daniel Maghen. La similitude est trop forte pour être tout à fait innocente. A ce point, cela tient du mimétisme.

Dès les premières pages, c'est à un véritable voyage dans le temps qu'est convié le lecteur. Dans le thème, l'approche graphique, la construction, les clichés très présents... la sensation qui domine est la nostalgie. Un one-shot comme à l'ancienne, qui évoque également la défunte collection Histoires et légendes, la série télévisée anthologique Histoires Singulières ou même le cinéma cultissime de Jean Rollin lors d'une scène de fête branchouille suivie d'une autre, plus onirique, dans un cimetière.

Cet album semble surgir d'une faille temporelle, comme si un projet oublié avait refait surface. Il ne faut pourtant pas se méprendre. Elle est loin d'être désagréable. Elle apparaît complètement datée, ployant sous le poids des stéréotypes tout en réussissant à ne pas tomber dans le ridicule. Elle pourra paraître vieillotte au lectorat avide de modernité, mais pour un lecteur qui a été biberonné à cette bande dessinée mainstream qui s'affranchissait des codes familiaux, elle possède la saveur d'une friandise un peu écoeurante mais satisfaisante comme une madeleine. Griffo portait ce projet depuis des années, inspiré par un rêve de sa compagne lorsqu'ils se sont installés à La Palma. Avec l'aide de Rodolphe, il signe un album un peu en décalage avec la production actuelle, au dessin moins raide qu'à l'accoutumée. Paradoxalement, le résultat se révèle, volontairement ou non, un plaisir coupable, sans doute parce que les auteurs s'y sont fait plaisir, avec une évidente sincérité.

Moyenne des chroniqueurs
4.5