Vendetta (Bonaccorso) La vengeance des Oulianov

R ussie, 1er mars 1881. Le tsar Alexandre II est victime d’un attentat orchestré par le groupe révolutionnaire Narodnaïa Volia (la « volonté du peuple »). Six ans après jour pour jour, ce qui reste de l’organisation terroriste tente d’assassiner le nouveau souverain en place, Alexandre III. C’est un échec. Quelques semaines plus tard, en mai 1887, les organisateurs de ce complot sont arrêtés. Alexandre Oulianov, anarchiste de 21 ans, en fait partie. Lors de son procès, le jeune homme ne manifeste pas le moindre remord et appelle même au soulèvement et à l’assassinat politique. Comme d’autres de ses camarades, il est condamné à mort par pendaison et exécuté. Cet épisode va nourrir une haine viscérale à l’égard de la famille impériale chez son jeune frère, un certain Vladimir qui se fera connaître plus tard sous le nom de Lénine.

S’attaquer à une figure complexe comme celle de Lénine et mettre en lumière l’imbrication de son parcours politique avec sa vengeance personnelle : le défi était de taille. Autant le dire d’emblée, Vendetta ne le relève que très partiellement. Certains choix étaient pourtant, à première vue, intéressants : dépeindre le tempérament glaçant du personnage et son cynisme maquillé par une apparente vertu, décrypter le rôle de certains grands noms du communisme, mettre en scène l’assassinat de la famille impériale, etc. Les ingrédients étaient de qualité. Ils sont malheureusement servis par un scénario trop rapide qui aborde, en une centaine de pages, toute la vie d’un homme de manière superficielle. Ces années décisives dans l’histoire de la Russie ne sont que balayées à grands traits. Par ailleurs, une fois admis que Vladimir Oulianov avait à cœur de se venger de la famille Romanov, prétendre réduire un évènement majeur tel que la révolution russe à cette querelle personnelle apparaît caricatural et est peu étayé par l’ouvrage. Les dialogues, assez maladroits, n’aident pas à contredire cette impression générale mitigée.

Les dessins proposés par Lelio Bonaccorso, en noir et blanc (avec quelques touches de rouge utilement réparties) sur pages rosées sont efficaces. Les différents protagonistes sont aisément reconnaissables, leurs traits réels ayant été soigneusement repris et adaptés au medium. Si la répétition de scènes assez similaires (des discussions entre homme politiques…) peut créer un sentiment de déjà-vu, l’ensemble demeure maîtrisé et quelques planches se distinguent particulièrement par leur intensité.

Pour celles et ceux qui n’auraient jamais exploré l’histoire de la révolution russe, La vengeance des Oulianov pourrait constituer une première approche du sujet. Pour les autres, cette lecture sera pauvre en enseignements.

Moyenne des chroniqueurs
5.0