Le roi louve 1. La rébellion de Petigré

« Si nous n’avions plus d’œufs, que se passerait-il, Fran ? Nous ne pourrions plus choisir notre sexe ? Ou nous continuerions toute notre vie à en changer à chaque lune ?
Sans œufs, sire, on nous promet la malédiction et ce serait la fin de notre race. »


Denis Lapière et Émilie Alibert proposent un scénario mêlant aventure et complot au sein d’un univers fantastique étrange et attirant. Voyez plutôt : dans la communauté des lycanthropes, à chaque nouveau cycle de l’astre lunaire, les louveteaux sont soumis à une transformation physique douloureuse : le changement de genre. Cette métamorphose peut cesser définitivement, la majorité venue, par l’ingestion d’un œuf d’hominidé. Un pacte de non-agression en vigueur contraint ainsi l’espèce humaine à céder deux de ses progénitures aux loups. Un déchirement pour les femelles ovipares et une bénédiction pour les canidés.

Justement, Petigré se ressent femme. Seulement, elle est l’héritière du peuple des Canis lupus. Et jamais, une représentante de la gent féminine n’a été portée au pouvoir. Son père, le puissant roi loup ourdit donc la mutation de sa fille en fils. Mais prévenue, la louve fuit ! Elle est accompagnée dans cette bravade par un humain recueilli par le conseiller, Fran. L’autre compagnon d’infortune est un Sanzame (comprenez "sans âme"). Ce dernier semble s’affranchir des lois surnaturelles qui régissent ses semblables.

Ce postulat de départ, tout à la fois, original et classique, est propice au développement de péripéties. À quatre mains, les auteurs de la trilogie Rose évoquent alors avec à-propos les dissensions politiques et les sournoises manœuvres des chefs de guerre. Ils apportent de la consistance à la saga par une somme de petits phénomènes magiques et d’engeances mystérieuses. Le volume n’en demeure pas moins lisible et, à ce titre, la continuité dialoguée use d'un vocabulaire connoté jeunesse.

Adrián Fernández Delgado accompagne ce récit par un trait semi-réaliste particulièrement épuré. Assisté par ordinateur, son dessin réduit à la portion congrue le jeu des contrastes. Par ailleurs, et dans la lignée de ses précédentes productions (L’Oorphelin de Perdide, Tangomango), l’influence de l’animation est prégnante. L’illustrateur insiste en ce sens sur le jeu d’acteur des premiers de cordée dont les visages se déforment par des mimiques pertinentes. L’étude des postures est également à mettre au crédit du professionnel. A contrario, son gaufrier est davantage convenu. Hormis une double page construite en trois bandes étirées sur la longueur des deux planches. La mise en couleurs réduit pareillement la voilure, laissant une gamme polaire habiller l’équipée des amoureux transits.

Dynamique et moderne, la bande dessinée La rébellion de Petigré inaugure la prometteuse série Le Roi Louve que nos chères petites têtes blondes sauront apprécier à sa juste valeur !

Moyenne des chroniqueurs
6.0