Le sarcophage des âmes Le Sarcophage des âmes

À Shaalem, à la fin du XIXe, l’académie des sciences accorde une autorisation de fouille archéologique à Olivia Newton. Seulement, ses déambulations dans le cimetière communal ont passablement agacé la faune locale. Femme, mulâtre, veuve et maintenant érudite - c’en est trop ! Le fossoyeur du coin rameute une poignée de compagnons aussi finement arrosés que sa personne. Portés par l’inhibition des vapeurs d’alcool et par des cervelles d’oiseau, ces soiffards envahissent la demeure de la belle savante en scandant leurs envies de bûcher. Olivia n’a plus d’alternative. Elle met rapidement sa petite fille à l’abri, puis laisse sa véritable nature prendre le dessus. Un feu bleu ésotérique s’échappe d’elle et enflamme aussitôt son logis et ses occupants !

Pour leur troisième collaboration, le scénariste Serge Le Tendre et le dessinateur Patrick Boutin-Gagné ont concocté un récit de sorcellerie se déroulant dans le comté d’Essex au Massachusetts. L’héroïne, sa progéniture et son amie maquerelle vont devoir déjouer le projet machiavélique d’une sororité occulte qui aspire à raviver un puissant nécromancien. L’écrivain est rodé à l’exercice. Contraint par la pagination, il donne prioritairement corps à son histoire en insufflant des émotions à sa galerie de personnages. L’album tient la route, mais il est regrettable que le vaudouisme soit peu développé. Il en va de même de la « guilde » invoquée à plusieurs reprises sans que le lecteur n’en distingue réellement l’enjeu et l’ampleur. Bref, ce point d’interrogation complétant le mot fin au terme du cartouche de crédit de l’ultime page laisse présager que les auteurs se tiennent prêt à poursuivre l’aventure et à lever le voile des mystères. Alors public, quel accueil lui réserveras-tu ?

Patrick Boutin-Gagné possède un trait fin, légèrement anguleux, à tendance épurée et qui s’accommode parfaitement à la fantaisie (ectoplasmes, explosions, phénomènes magiques, etc.). Son dessin agréable est de surcroît rehaussé par la justesse de ses choix de compositions. L’illustrateur use avec à propos de cases étirées dans lesquelles les protagonistes agissent en périphérie. Il ajuste l’axe de sa caméra, basculant une scène de quelques degrés. L’effet d’instabilité vise alors à renforcer une révélation, ou simplement à casser la monotonie d’un dialogue. Cet artifice est surtout corrélé à des premiers plans ombragés donnant de la profondeur aux cases concernées. Par ailleurs, les vignettes d’expositions distillent les informations dans un périmètre réduit. Contenues, ces dernières dégagent d’autant d’espace pour l’artiste. Il s’offre en conséquence des moments de respiration où, à l’inverse, il suspend la narration par des strips d’animation image par image - réminiscences de son activité de story-boarder.

La colorisation assistée par ordinateur ne se dissocie pas de la masse des parutions, notamment lors des séquences en intérieur. Cependant, les saynètes hivernales et les planches du dernier tiers du livre bénéficient de gammes de couleurs davantage limitées. Dans l’obscurité d’une crypte, l’habillage gagne ainsi en consistance et en personnalité.

Récit auto-conclusif (pour l’instant), Le Sarcophage des Âmes dispose d’une mise en scène engageante et d’un scénario limpide.

Moyenne des chroniqueurs
5.5