Hotep / Les Pharaons d'Alexandrie Les Pharaons d'Alexandrie

E n 287 avant notre ère, Alexandrie est la jeune capitale du royaume d’Égypte, qui compte bien retrouver son faste et sa puissance d’antan. Le roi Ptolémée doit cependant composer avec l’hégémonie grecque et une cohabitation difficile entre les deux peuples. C’est dans ce contexte instable qu’à Thèbes, Hotep, premier scribe du temple d’Amon-Ré, succède à son père en tant que grand prophète, haute dignité dans le clergé égyptien. Un jour, surgit Déméas, nouveau représentant du roi grec, bien décidé à s’enrichir sur le dos de la population de ce nome particulièrement riche. Hotep proteste. Il est victime d’une machination et condamné à mort. La mise en scène de son exécution a pour but de lui confier une mission qu’il ne pourra refuser : retrouver un papyrus écrit de la main d’Imhotep.

Rafael Moralès est connu pour avoir été le collaborateur puis le successeur de Jacques Martin sur Alix et Les Voyages d’Alix. Mais il a également créé sa propre série, Hotep, dont le premier volume, Le Scribe de Karnak, est sorti en 2007, et le second, La Gloire d’Alexandre, en 2009. Les Pharaons d’Alexandrie reprend ces deux récits et comprend également Les Cèdres du Liban, totalement inédit. Si Hotep a d’incontestables points communs avec son cousin artistique Alix (aventurier aux valeurs sûres, diplomate plus que va-t-en-guerre, tolérant et magnanime), il s’en distingue par sa fonction (dignitaire religieux), son statut marital et l’environnement dans lequel il s’inscrit. Ses tribulations le font courir le long de la vallée du Nil, mais aussi au-delà de la Mer Rouge ou vers les côtes de la Phénicie.

Les trois histoires rassemblées ici, s’inscrivant dans la tradition de l’âge d’or de la bande dessinée franco-belge, emmènent le lecteur successivement dans une lutte acharné contre un tyran psychopathe, le vol de la sépulture d’Alexandre Le Grand et une expédition ayant pour objectif de ramener des arbres suffisamment grands pour orner la façade du temple de Karnak. Les manigances politico-militaires, les alliances impromptues et les trahisons imprévues rythment ces péripéties bien menées. Même si les dialogues montrent parfois des faiblesses, si des anachronismes langagiers heurtent l’esprit et que le découpage est, à certains moments, critiquable (quelques ellipses brutales), l’immersion est plaisante.

L’incontestable point fort de ce recueil réside dans le dessin précis jusqu’à l’obsession de Rafael Moralès. Des pages surgissent obélisques, sarcophages, temples, statues, hiéroglyphes, modestes masures, rues populeuses, palais royaux, le phare et la bibliothèque d’Alexandrie, tout un monde ressuscité dans ses dimensions urbaines, architecturales et artistiques. La ligne claire a ses détracteurs. Néanmoins, elle permet ici la reconstitution de sites aujourd’hui en ruines, d’œuvres devenues fragmentaires, d’images effacées. Seul ce choix artistique peut redonner une vie graphique à ce que le temps a irrémédiablement abimé. Les deux crayonnés reproduits sous la forme d’un immense poster recto verso inclus à l’album matérialisent le respect dû à la démarche. Les Pharaons d’Alexandrie poursuit l’œuvre du grand Jacques Martin et constitue un bel hommage que le 21è siècle peut et doit rendre à un passé qui a encore beaucoup à nous apprendre.

Moyenne des chroniqueurs
7.0