Thorgal 39. Neokóra

À bord d’une frêle embarcation, Thorgal, Jolan, Louve et Ava reviennent chez eux. Sur leur route, ils croisent un vaste bâtiment à la dérive, semblant abandonné. Là, ils tombent nez à nez avec une créature hostile, faite d’os et de fourrure. Après un âpre combat, celle-ci disparait dans les vagues. Ils découvrent alors Arisön, un commerçant rescapé de l’intrusion violente du monstre. Sur ce navire bien plus robuste, la communauté achève son périple et rejoint son village. Mais les habitants de celui-ci sont métamorphosés : ils sont devenus hagards, muets, le regard éteint, comme envoûtés. Chaque jour, quand retentit un signal sonore, ils se dirigent comme des automates vers la carrière et taillent des pierres de construction. Des hommes venus d’ailleurs viennent avec des chariots destinés à transporter le fruit du labeur quotidien. Thorgal et Jolan s'y dissimulent, pour découvrir la destination de ce travail et l’origine du sort qui touche les leurs.

Avec Neokora, Yann (Les Innommables, Odilon Verjus et plusieurs aventures de l’univers de Spirou et Fantasio) signe son quatrième épisode des déboires du ténébreux guerrier. Il s’agit du troisième pour Frédéric Vignaux, auquel incombe la lourde tâche de succéder à Grzegorz Rosinski, ce dont il s’acquitte fort bien puisqu’il est dans un mimétisme absolu du graphisme des premiers albums, c’est-à-dire avant l’introduction de la couleur directe. Après le naufrage incompréhensible d’Aniel, les honorables L’Ermite de Skellingar et La Selkie, la saga ébauche un nouveau cycle et renoue avec une narration digne du statut du viking et du maître Jean Van Hamme (même si les dialogues sont encore parfois naïfs et exhibent trop les ficelles).

Il n’est pas aisé d’écrire le trente-neuvième opus d’une série, de faire du neuf dans un respect nécessaire des canons de la suite. Yann a dans son jeu deux atouts majeurs : la récupération d’un fil narratif remontant à Silve et à L’Île des Mers gelées (1980) et la réapparition – prévisible - de Kriss de Valnor et de tout son potentiel dramatique, accompagnée d’Aniel, digne fils de sa mère. Si cet épisode n’occultera pas l’ère Van Hamme, il a le mérite de présenter une relance accrocheuse. Un essai qui devra être transformé. S’il est laissé aux artistes le temps de peaufiner leur art (l’écriture, les contours justes des personnages, quelques audaces graphiques), les promesses pourraient être tenues.

Moyenne des chroniqueurs
5.7