Dernier Souffle Dernier souffle

U n homme avance à travers la forêt. Le souffle court mais le regard aiguisé, tenant fermement son arme, il progresse d’un pas décidé malgré la poudreuse. Une seule motivation l’anime : la vengeance.

Tout démarre en 2018. Thierry Martin est déjà bien occupé par divers projets. En parallèle, il cultive toutefois le souhait de faire aboutir un travail beaucoup plus personnel. Il s’en donne les moyens. Plus encore, l’auteur se lance un défi : réaliser chaque jour (ou presque) une case-planche qu’il partage sur les réseaux sociaux. La première planche, postée le 4 août 2018 sur Instagram, donne le ton : un plan large, des arbres imposants, une neige omniprésente et, au centre, une intrigante silhouette dont on distingue principalement le chapeau et le fusil. C’est le point de départ de ce qui va s’avérer être une improvisation maîtrisée. Le dessinateur se laisse lui-même guider par son histoire qui prend forme, page après page. Quelques contraintes viennent pimenter le tout : du noir et blanc, des planches à case unique et aucun phylactère.

Au printemps 2019, ce pari lancé sur internet devient un véritable album papier, après le succès d’une campagne de financement participatif. Édité par Black and White, l’ouvrage est d’une grande qualité mais jouit d’une diffusion limitée. À l’automne 2021, Dernier souffle en connaît un nouveau avec une parution chez Noctambule (Soleil). C’est l’occasion pour l’auteur de se repencher quelque peu sur son western. Outre quelques planches donnant du liant au récit, l’ajout de la couleur en bichromie renforce l’ambiance pesante et froide de l’ensemble.

Car c’est bien ce que proposent ces plus de deux cents planches muettes : une tension palpable, des ambiances sombres et un rythme crescendo. La dimension cinématographique saute aux yeux, appuyée par les variations de plans, sublimée par l’encrage et bien aidée par le format à l’italienne. La lecture (ou plutôt le visionnage comme le suggère le propos introductif) est d’une fluidité remarquable. Les scènes d’affrontements, bien présentes, n’étouffent pas le reste de l’histoire. Plus encore, les silences s’imposent comme les moments forts de cette BD qui ne contient pourtant aucun mot…

Avec son fourreau ajouré et son papier mat, Dernier souffle est un bel objet mais surtout un magnifique concentré d’audace et de maîtrise. Que les lecteurs soucieux de poursuivre l’exploration de cet univers se rassurent : depuis le 23 avril 2020, Thierry Martin a lancé un nouveau projet sur un principe similaire et à suivre donc, dans un premier temps, sur Instagram.

Moyenne des chroniqueurs
8.0