L'adoption 3. Wajdi

G aëlle et Romain ont décidé de faire une bonne action : adopter Wajdi, un jeune Yéménite âgé d’une dizaine d’années. Quelle chance a ce gamin d’être accueilli par des bienfaiteurs nantais. Les choses ne vont toutefois pas comme prévu. Fiston ne comprend évidemment pas le français, il est dépaysé, il porte en lui les stigmates de la guerre et, par-dessus tout, il refuse les bisous. Quel ingrat.

Zidrou jette un regard assez dur sur les gens qui accueillent un môme pour de mauvaises raisons. À travers une histoire finalement toute simple, il raconte les premiers jours d’une rencontre cauchemardesque. Les parents ne sont pas fondamentalement méchants, mais ils n'arrivent pas à être à l’écoute du garçon. Ils cherchent d'abord à répondre à leurs propres besoins, à savoir remplacer un enfant disparu, et bien paraître auprès de la famille et des voisins. Incapable d’exprimer verbalement son désarroi, sa colère et sa peur, le héros affiche ses émotions en semant le chaos. Dans le dossier de presse, il signe un texte dans lequel il donne son point de vue sur les événements ; il aurait été intéressant d’en faire une postface pour que tous profitent de cet éclairage.

Arno Monin propose un très joli dessin. Dans ce récit sur la difficulté de communiquer, il a rendu les visages particulièrement expressifs. Le vide de celui d’un père et d’une mère blasés et dépassés, la complicité de la grande sœur et de la grand-mère, mais surtout les yeux du protagoniste dans lesquels se lit l’affliction et même un peu d’espoir. La colorisation, essentiellement dans des tons pastel, se révèle ironique. Un peu comme si elle traduisait l’état d’esprit initial du couple, alors que la dynamique devient tout autre.

Les auteurs souhaitent évidemment marquer les esprits en dénonçant un comportement. Cela dit, est-il vraisemblable que les services sociaux n’encadrent pas mieux les adoptants ? Que ces derniers ignorent qu’ils vont en baver pendant un moment ? Et qu’ils fassent preuve de tant de maladresse ?

Wajdi est un diptyque, au terme de ce premier volet le lecteur a pourtant l’impression que tout a été dit.

P.S. - L’allégorie de la pizza en milieu d’album est franchement ridicule.

Moyenne des chroniqueurs
6.0