Rai (Bliss Comics - 2019) 1. Rai

L ’intelligence artificielle despotique dénommée Père n’est plus en mesure de diriger le monde. Rai, une de ses créations l’a affrontée, entraînant la chute de la nation orbitale Néo-Japon sur Terre. Seulement, des sauvegardes de l’entité demeurent disséminées parmi les secteurs de la station écrasés sur le globe. Dans l’ombre, elles se régénèrent. Si ces progénitures positroniques recouvrent leur force, elles pourraient permettre au tyran technologique d’imposer son idéal. Autre conception de Père, Raijin est un ancien modèle construit pour les relations publiques. Il est capable d’identifier les rayonnements des enregistrements de l’oppresseur. Rai l’utilise pour partir en quête des parcelles de vie de son créateur.

Succédant à la mini-série Fallen World, le nouvel arc de la licence Rai embrasse le genre post-apocalyptique en s’inscrivant dans la continuité établie par l’équipe créative précédente (Matt Kindt et Clayton Crain). Mais rassurez-vous, les néophytes ne seront pas perdus compte-tenu des explications éparses apportées par Dan Abnett (Ruines - démons intérieurs, Prometheus : Life and Death). L’écrivain a d’ailleurs concocté une mise au point très accrocheuse dès le premier épisode. Celui-ci satisfait au canon du titre d’action. Attaqué par un ersatz du groupuscule d’Immortan Joe (antagoniste de Mad-Max : Fury Road), le rônin cybernétique est amené à user de son épée afin de calmer les esprits chagrins. Pendant ce temps, Raijin sirote une boisson en rassurant le barman d’un diner typiquement américain. L’émerveillement du restaurateur sert de passe-plat. Le scénariste présente par ce biais, le postulat à compter duquel il pose les jalons de sa narration. Et hop, le nouveau lecteur raccroche les wagons - Cinq minutes d’arrêt en gare de la « grosse-ficelle ». Puis, l’agent d’escale ferroviaire siffle le départ : Tchou-tchou, direction une baston cyber-eschatologique.

Par ailleurs, les auteurs densifient un peu leur scénario. Ils esquissent un héros complexe ne se résumant pas uniquement à ses boulons et pistons. Sa partie biologique tend à s’exprimer. Seulement, son but l’entraîne sur un chemin de haine. À l’inverse, le faire-valoir a été élaboré pour satisfaire aux exigences du protocole. Entièrement robotique, l’attitude de Raijin paraît plus humaine. Dès lors, être un homme est-ce foncièrement meilleur que n’être qu’une machine ? Explorée en creux du récit, la problématique ne jure pas avec l’aventure, mais elle n’atteind pas encore sa pleine mesure. Affaire à suivre.

Valiant a confié la partition graphique à Juan Jose Ryp. Présenté comme un dessinateur autodidacte, l’intéressé a déjà collaboré avec de nombreuses pointures : Warren Ellis (No Hero, Black Summer), Alan Moore (Visions) ou Franck Miller (Robocop Delta city). Depuis quelques années, il est devenu un illustrateur maison, participant au renouveau de l’éditeur de X-O Manowar et consorts. Comblant ses planches de détails, l’encrage de l’artiste arbore un noir terne. Ce rendu clair est accentué par la colorisation d’Andrew Dalhouse qui gomme une partie de la césure des contours. Ce procédé donne un aspect moins métallique et moins artificiel de Rai et participe à l’axe du récit qui souhaite explorer l’âme des androïdes. Les vignettes colorées succèdent alors à des positions dynamiques et donnent du rythme. Bref, l’œil est flatté. Enfin, pas totalement. En effet, il convient de relever que les séquences se déroulant dans le flux de données et abordant le personnage de Spylocke sont un ton en dessous. La tech-savante navigue au milieu d’un univers de chiffres dont la représentation ne générera sûrement jamais beaucoup d’attrait.

Rai rassemble les dix premiers fascicules de la fournée 2021 dans un bel écrin blanc signé Bliss. Après un début percutant, la série de science-fiction prend des détours trop technologiques et perd l’originalité du road-trip sur une planète exsangue. Espérons que la suite oblitère un peu les développements pseudo-scientifiques.

Moyenne des chroniqueurs
6.0