Kathleen 4. Innovation 67

1967, Ardenne belge. Une Simca 1000 réalise une embardée, percute violemment un arbre et implose. La puissance de la déflagration interpelle les policiers qui suspectent un groupuscule terroriste. Pendant ce temps, à Paris, Kathleen procède à des emplettes aux galeries Lafayette afin de préparer son interview de Madame Claude Pompidou à l'hôtel Matignon. Soudain, elle reconnaît son amie Monique qui a tenté sa chance dans la capitale française sans succès. La discussion va bon-train et les amène, plus tard, à danser dans un club de jazz. Le charme des deux femmes laisse peu d’hommes indifférents. Et l’intervention de Tom, un pilote d’essai, les sauve même de la grivoiserie d’un pilier de comptoir. Justement, ce beau moustachu vient d’être recruté par un riche industriel et il doit se rendre en Belgique. L’occasion est trop belle. Le lendemain, ils font route ensemble à bord de sa mustang cabriolet.

Patrick Weber et Baudouin Deville poursuivent la saga de Kathleen en lui concoctant une aventure se déroulant au milieu des années soixante. L’héroïne embrasse désormais une carrière de journaliste à la RTB (Radio Télévision Belge), mais souffre du comportement de ses collègues phallocrates. Parallèlement, elle débute une relation qui ne ravit pas l’inspecteur Stout. N’est-ce que de la jalousie ? Alors que le climat est à l’antimilitarisme et que les États-Unis sont engagés au Vietnam, le grand magasin Innovation organise une quinzaine américaine. Un événement marketing qui engendre la réprobation de certains militants.

L’équipe créative échafaude ainsi un thriller autour de l‘incendie du temple de la consommation bruxelloise. Jouant de faux-semblants (très) attendus, l'écrivain ne parvient pas à imprimer cette catastrophe au sein de son récit. L’accident est survolé et sa mise en images aseptise le propos : à peine, un arrière-plan permet-il au lecteur d’observer sur un bas-côté des clients défenestrés. La tragédie est pourtant énorme (deux-cent-cinquante-et-un morts et soixante-deux blessés), son potentiel narratif l’est également. Un long-métrage de Jan Verheyen, est d’ailleurs en préparation : Happening, l'adaptation du roman éponyme de Johan Swinnen.

De manière générale, le dessin de Baudouin Deville est à l’avenant de ses précédentes réalisations. Son coup de crayon rectiligne en extérieur permet d’apprécier sa gestion des perspectives et sa facilité à aligner les bâtiments. À l’inverse, son trait demeure relativement statique. Les scènes de dialogues en intérieur sont fades, le gros-plan ne convenant pas du tout à sa ligne claire. Dans les foules, l’illustrateur a la facétie de cacher quelques personnalités. C’est en empruntant ce sillon qu’il s’exprime le mieux.

La palette de Bérengère Marquebreucq habille la saison printemps-été sans décliner les ambiances. Cependant, elle s’efforce tout de même de témoigner de l’époque en incorporant des motifs de moquettes et de papiers peints très sixties.

Au final, Innovation 67 est un tome auto-conclusif contraint par son format. Le volume est lié par le ton populaire (bon enfant) des trois albums antérieurs, l’empêchant de véritablement porter son sujet. Dommage !

Moyenne des chroniqueurs
5.0