Once & Future 3. Tome 3

L e retour du roi Arthur orchestré par une partie de la famille MacGuire n’a que partiellement réussi. L’outre-monde s’éveille et Merlin n’aspire qu’à mettre fin à ses siècles de silence. Au sein du continuum connu, la retraitée Bridgette, son petit-fils Duncan et Rose, sa copine universitaire, recherchent le géniteur de Galaad. Un jet d’épingles au hasard d’une carte provoque une démonstration surnaturelle semblant indiquer un pub. L’établissement se révèle être le repère du groupe nationaliste qui a dérobé le fourreau du sanglier de Cornouailles – l’objet magique à l’origine de la résurgence de ces légendes. Heureusement, la confrontation mal embarquée avec ses extrémistes tourne court suite à l’irruption d’un énième mythe. L’antagoniste du roman versifié du XIVe, Sire Gauvain et le chevalier vert intervient et défie l’assemblée. Il est temps pour la belle enseignante de poser ses livres et d’endosser le rôle de l’héritier du royaume d’Orcanie.

Issu du catalogue de Boom ! Studio, Once & Future est un titre ébouriffant, joliment tracé et reposant sur des dialogues absolument délicieux. Son scénariste Kieron Gillen n’est pas un perdreau de l’année. Hormis ses nombreuses contributions pour le Big-Two (Marvel et DC comics), l’écrivain a créé le clivant The Wicked and The Divine et le très rythmé Die. Ce mouvement perpétuel est d’ailleurs une particularité qu’il cultive tout au long de sa libre interprétation de la légende arthurienne. Dépourvu de respiration, ou presque, depuis maintenant dix-huit épisodes (vingt-deux en version originale), l’urban-fantasy peut paraître obscure. À force de noyer les explications dans des scènes de poursuites ou d’explosions, la complexité de la réminiscence du folklore et les références aux œuvres traditionnelles perdent parfois le lectorat. D’autant que les multiples rebondissements nécessitent d’user d’ellipses toujours plus audacieuses.

Outre ces points d’accroches, les incessantes relances mettent tout de même en valeur les personnages. Bridgette profite de cette manière d’un traitement hors normes. Cette femme âgée, sarcastique et détentrice de nombreux secrets donne véritablement de la couleur au récit. Jusqu’à présent, et pour ceux qui l’ignorent encore, elle a usé d’une arme à feu sur son compagnon emportant le morceau de son anatomie le plus utile à la reproduction. Par la suite, elle a élevé seule le naïf Duncan afin d’en faire une possible réincarnation de Perceval. Elle instaure également un climat de tensions savoureux dans sa maison de retraite, terrorisant les autres résidents. Bref, une héroïne exceptionnelle dont la fille ne pouvait pas manquer de personnalité. Et justement, dans ce troisième opus, les auteurs se concentrent davantage sur cet adversaire familial. Ils bousculent ainsi les certitudes acquises en valorisant le revers de la pièce.

Ce volume est aussi l’occasion de confronter le pouvoir anglais d’alors à celui du monde parallèle. Le secrétaire de l’ombre, sir Hempleworth, chargé de maintenir l’omerta sur l’indicible prend de l’épaisseur. De nouveaux enjeux, principalement politiques, pointent le bout de leur nez. Et, tenez-vous-le pour dit, la clôture de cet arc s’assume !

Quant à la partition graphique de Dan Mora, elle décuple la partie de plaisir. L’artiste a un coup de crayon à part et étonnement classique que d’aucuns ont découvert sur les mini-séries Klaus ou Hexed. Ses planches sont équilibrées et dynamiques. Il opte pour des choix de postures utiles à la narration et anime constamment le visage de ses protagonistes. Le Costaricain soigne d’ailleurs ses acteurs. Sous toutes les coutures, ils sont directement identifiables. À la colorisation, Miss Tamra Bonvillain adopte un schéma similaire de différenciation : la grisonnante Bridgette, le rouquin Duncan et le teint halé de Rose. Ce cadre est malin et efficace. L’Américaine compose également avec des tons à la fois modernes et peu vifs. Les pigments clairs viennent, par moments, changer le ciel afin de signifier l’apparition du fantastique. Mais ce ne sont que des notes, distillés avec parcimonie.

La fin du premier cycle de Once & Future est à l’avenant des tomes précédents : un divertissement survitaminé façon blockbuster pour un moment de détente maximum. Destiné à un public adolescent, le récit s’offre sans prétention aux moins jeunes (chroniqueur à leurs heures perdues) qui entre deux romans graphiques sérieux, veulent en prendre plein les mirettes.

Moyenne des chroniqueurs
7.0