Une histoire populaire de la France 1. De l'état royal à la commune

U n père de famille amène sa fille à une conférence gesticulée afin d’éveiller en elle un intérêt pour l’histoire de France. Seulement, l’adolescente n’apprécie pas cette discipline et déteste même son enseignant. Comble du malheur, ce dernier est assis à côté d’elle. La soirée ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Pourtant, l’entrée en scène de l’intervenant détourne l’attention. L’orateur partage ses connaissances avec facétie au point d’intriguer la lycéenne.

L’historien Gérard Noiriel est un touche-à-tout reconnu. Directeur de la chaire Sociohistoire des relations de pouvoir, XIXe-XXe siècles à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), il a participé activement à l’élaboration de scénarios d’une série de documentaires diffusés sur France 3 (Racines). Auteur à succès et membre de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, l’homme a également un engagement politique chevillé au corps. Faisant écho à la publication d'Une histoire populaire des États-Unis d’Howard Zinn en 1980, l’universitaire français entend produire une version hexagonale. L’essai de huit cents pages paraît en 2018 au sein de la collection Mémoires sociales des éditions Agone. Une histoire populaire de la France, de la guerre de cent ans à nos jours reconstruit le roman national à travers les révoltes, imposant l’aspect social comme prérequis aux choix politiques menant à l’édification de l’État providence.

La paire d’écrivains, constituée de Lisa Lugrin et Clément Xavier, se confronte à la difficile adaptation de l’œuvre originale en bande dessinée. Ôter des passages, retrancher, condenser et synthétiser le traité tout en présentant suffisamment d’insurrections est un chemin de croix qui conduit naturellement à l’effet catalogue. D’autant que la découverte d’un bloc de l’ouvrage entame sa compréhension en raison de la succession de petits événements. La lecture par chapitre accentue à l’inverse les liens entre la création de l’État (impôts et puissance publique) et les effets de ses décisions sur les indigents. Néanmoins, ce premier volume, sous-titré de l’État royal à la Commune, ne défend pas véritablement une thèse. En l’absence d’argumentation, il laisse au public le soin de se faire une religion. Et le projet perd ainsi un peu de sa substance.

Les planches se présentent de la sorte. Chaque page est composée de trois bandes subdivisées en deux vignettes non-cernées, pour un format final très ramassé. Les cases sont surmontées de récitatifs de couleur beige évoquant les parchemins. Des phylactères apportent, quant à eux, une dose d’humour en contrepoint de la litanie académique des didascalies. En somme, et vous l’aurez compris, il ne reste que peu d‘espaces au dessinateur pour démontrer son talent. Pourtant, l’expression graphique d’Alain Gaston Rémy convient à l’exercice de style. Son trait à tendance caricatural sied à la légèreté de la vulgarisation autant qu’à la gravité de certaines séquences. Le rendu pictural de Marie Favantines est à l’avenant. Sans artifices et uniquement par un jeu de tons, elle contribue à la bonne distinction des temporalités du récit.

L’opus inaugural d’Une histoire populaire de la France permet de donner accès au plus grand nombre aux avancées des sciences sociales. Si les évocations sont nombreuses et, parfois, croustillantes, le contenu très allégé donne l’impression d’avoir survolé le sujet.

Moyenne des chroniqueurs
6.0