Jungle beef Quand les narcos attaquent la…

 Une réserve indigène leur a officiellement été allouée mais entre le papier et la réalité du terrain, il y a un monde. Et quand dans ce monde, s’immiscent des enjeux qui valent des centaines de millions de dollars… rien n’est simple. »

En partenariat avec l’Unesco, la plateforme The Explorers ambitionne de procéder à « l’inventaire du patrimoine et des merveilles naturelles, culturelles et humaines de la Terre ». Récompensé en 2019, ce média permet à des scientifiques chevronnés de réaliser des reportages sophistiqués à la qualité d’images la plus aboutie possible. C’est à ce titre qu’en 2016, Olivier Behra longe le fleuve Platano et s’engouffre dans la végétation primordiale en vue d’effectuer les repérages de son documentaire Honduras – Du jardin de corail à la mystérieuse cité (à savoir Xucutaco, la cité perdue du dieu singe).

L’ethnobotaniste utilise alors son expédition préparatoire pour écrire Jungle Beef, sous-titré Quand les narcos attaquent la forêt vierge. L’album prétexte la recherche d’un lieu idéal destiné à l’atterrissage de l’hélicoptère de tournage afin d’évoquer la rencontre des populations autochtones. Son guide lui présente les peuples Pechs et Mosquitos. Il lui explique que ces peuplades sont menacées par des pègres poussées au sud du continent par la répression des autorités de Mexico. Là, ils blanchissent de l’argent en procédant à une déforestation massive. Les surfaces ainsi enlevées aux poumons de la Terre permettent de mener une agriculture intensive de soja et un élevage considérable de bœufs. Ces denrées sont ensuite exportées à bas coût. Elles font le jeu de l’industrie agroalimentaire et se retrouvent, in fine, dans les assiettes des consommateurs des pays développés. Bon appétit ! Précision toute de même, l’écriture n’est pas moralisatrice. L’explorateur parle davantage des plantes médicinales que de la violence de ces groupes armés. Il évoque – d'ailleurs probablement trop peu – les crimes perpétrés (rapts, esclavage, prostitution et la vente d’organes).

La partition graphique a été confiée à Cyrille Meyer. L’artiste adopte classiquement deux styles bien dissociés. Il emploie d’abord l’aquarelle pour retranscrire les excursions. Les déambulations humides dans la forêt primitive sont alors dominées par un dégradé de vert, changeant et immersif. Les témoignages des ethnies rencontrées prennent des teintes plus chaudes, des tons jaunes ou orangées. À l’inverse, les séquences de vulgarisations sur la boucle du trafic, les engagements politiques et les mises en perspective historiques sont travaillées en bichromie. Le dessin en noir et blanc est soutenu par des aplats sinople réalisés à l’ordinateur. Efficace à défaut de surprendre.

Hormis l’aspect carnet de voyage, ce cinquième récit de la collection Témoins du monde de la maison Steinkis identifie un lien inattendu entre le grand banditisme et le déboisement sauvage. Le plaidoyer en faveur de la biodiversité est enrichissant et accessible, mais le volume souffre d’un déséquilibre concernant l’explication du mécanisme mafieux.

Moyenne des chroniqueurs
6.0