L'or du temps (Rodolphe/Oriol) 1. Première partie

U n dix-huit mai de fin de siècle à l'hôtel particulier d'Hugo Reuhman, historien et égyptologue de renom. Lors de cette soirée réunissant du beau monde, son ami Théo Lemoine assiste à un cambriolage au cours duquel des copies de lettres d'un certain Drovetti sont dérobées. Cet ancien soldat de Bonaparte devenu ambassadeur de France au Caire aurait revendu une partie de sa collection (provenant de pillages) au Louvre en 1850. Cependant, d'après la liste des objets, il manquerait le sarcophage contenant la dépouille du Grand prêtre Moloch censé avoir découvert le secret de l’immortalité. Quel est le lien entre ces deux affaires ? Le duo de compères va se lancer dans de périlleuses investigations et vite comprendre qu’il y a d'autres personnes à la poursuite du fameux artéfact.

Rodolphe pose sa nouvelle histoire dans la capitale française, choisissant la Belle Époque car elle correspond, selon lui, à « l'age d'or de l'occultisme et de l'ésotérisme ». C'est également un cadre propice « aux mœurs antiques, aux énigmes et aux séductions » (dans les domaines de la mode, l'architecture, la décoration...). Enrichie de tout un pan de littérature populaire grâce à une multitude de clins d'œil littéraires et cinématographiques (Belphégor, Rouletabille, Tintin, Adèle Blanc Sec… ), l'intrigue se révèle riche, intrigante et vraiment plaisante à lire. Des quartiers de Montmartre au pétillant Moulin Rouge - ce cabaret où les nantis viennent s’encanailler -, des cercles spirites très à la mode aux lugubres galeries du musée la nuit, les personnages historiques et fictifs se côtoyant dans ce thriller qui flirte avec le mystique.

Oriol (Natures mortes, Les Trois Fruits) restaure de manière remarquable le Paris des années folles. Il trace peu de lignes, s'en remettant énormément à sa colorisation particulière dans des tons tranchés et puissants pour donner formes et contours. La reconnaissance des personnages est un peu confuse au début il faut l'avouer, car les expressions faciales sont souvent exempts de traits, mais cette poursuite parisienne que le dessinateur a su mettre en images dans des ambiances à la fois élégantes et violentes possède un charme indéniable : l'ambiance est épaisse de mystère. Pour les scènes teintées de fantastique ou celles plus mouvementées, les arrière-plans ne sont constitués que d'aplats de couleur, un rendu implacable.

Au vu de la narration réjouissante, du rythme enlevée et du graphisme détonnant proposés dans ce premier tome, le lecteur ne peut qu'être impatient de lire la suite de L'or du temps (formule qui figure sur La tombe d'André Breton) où, selon les auteurs, surgiront automates et somnambules.

Moyenne des chroniqueurs
6.5