Elecboy 2. Révélations

L ’attirance que Sylvo éprouve à l’égard de sa demi-sœur est contre-nature. Leur père, Vittorio, le menace en conséquence. Seulement, son importance au sein de la communauté décline. Et le patriarche le relègue derrière son propre héritier malgré ses penchants "sadiens". C’est que le charme de Margot est une malédiction. Elle ne laisse pas indifférent Josh dont le rôle dans le clan est négligeable. De génération en génération, le triangle amoureux semble se répéter. Lorsque se présente aux survivants un individu modeste accompagné d’un colosse étrangement vêtu. Ceux-là demandent audience afin d’annoncer la prophétie suivante : « Un jour, arrivera un homme sans visage. Et il viendra en aide à tous ».

Le voile se lève sur l’objet de la tétralogie Elecboy de Jaouen Salaün. Avec ce deuxième opus, sous-titré Révélations, l’artiste poursuit sa dramaturgie shakespearienne délivrant des clefs de lecture inattendues. Les liens sentimentaux exposés jusqu’alors sont brinquebalés, plongeant les protagonistes dans un état émotionnel exacerbé. Ces retournements, bien cadencés, concernent le public notamment parce qu’ils apparaissent subtilement au verso d’une page ou au terme d’une planche impaire. D’autant que ces relations familiales complexes font souffrir le héros au point d’éveiller en lui une autre essence. L’influence de l’art séquentiel japonais apparaît en relais de l’intrigue, tant par les thématiques de science-fiction (la robotique, l’intelligence artificielle, l’âme de la machine) que par la représentation de l’action (lignes de vitesse, scènes de combat et explosion de force). Logiquement, les villes américaines désolées et les manifestations surnaturelles font penser à Néo-Tokyo dévasté ou bien à numéro 28. Projection d’un chroniqueur en manque d’Akira ou véritable référence à Katsuhiro Otomo ? Faites-vous une idée !

Les déambulations au sein de cet univers post-apocalyptique ravivent, cette fois-ci avec certitude, les souvenirs de Mad-Max. Le détournement d’accessoire vient souligner l’arrêt de la production et à l’inverse l’opulence du monde, avant qu’il ne s’effondre. Cette patine visuelle est judicieusement captée en laissant respirer les fonds de vignettes. Les décors sont présents et finement posés, mais souvent l’environnement prend le pas sur les bibelots ; ou à l’opposé, l’amoncellement d’objets est synonyme de puissance et déborde en un lieu. Contrairement au volume inaugural, ce climat est moins utilisé pour apporter un enjeu narratif que pour émerveiller la rétine.

Au surplus, la trame religieuse interpelle. Dans ce melting-pot de bonnes intentions, la culture amérindienne est exploitée à contre-emploi afin de démontrer que le pouvoir déshumanise. Là, où habituellement, l’animisme est vertueux et en communion avec la terre. Ici, le chamanisme est despotique. Quant à l’I.A, elle se réfère à la mythologie grecque sans que cet état ne prenne sa pleine mesure. Le bédéiste a encore deux tomes (aux titres probablement aussi évocateurs que bibliques) pour crédibiliser ses choix et certainement renforcer sa problématique : qu’est-ce qui rend humain, la chair ou les émotions ?

Protéiforme, Elecboy est un récit « trans-genre » en équilibre admirablement soutenu par une pellicule cinématographique !

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Moyenne des chroniqueurs
6.7