Pucelle 2. Confirmée

L a famille Dupré a posé ses valises en Guadeloupe. Une nouvelle fois, le cadre change. Le mode de vie, lui, demeure le même : un petit monde d’entre-soi, un peu élitiste, relativement conservateur et ardemment catholique. Florence, de son côté, comprend un peu mieux chaque jour ce que signifie d’être une jeune fille dans la France de la fin des années 1980. Rapidement, elle se retrouve confrontée à un principe cardinal que son entourage tente de lui imposer : la souffrance fait partie du quotidien d’une femme. Elle s’y refuse. Forte de son caractère bagarreur et conquérant, elle se rêve petit garçon. La découverte de son corps est aussi l’occasion pour Florence d’explorer les secrets qu’il ne lui a pas encore révélés. Elle est de plus en plus intriguée par « la chose ». Cette chose qui se trouve sous la ceinture, dont il ne faut surtout pas parler et qui, croit-elle, est uniquement synonyme de douleur. La curiosité se transforme en intérêt, l’intérêt en obsession : celle de « croquer la pomme ».

Avec ce second volet du diptyque Pucelle, le lecteur retrouve le personnage central de l’histoire là où il l’avait laissé à la fin du premier acte (Débutante). Il retrouve aussi le discours engagé, la plume incisive et piquante et l’humour corrosif qui faisait le sel du premier tome. Cette fois, tout le monde en prend pour son grade, à des degrés divers. La jumelle, d’abord, dont l’auteure a eu besoin de s’émanciper pour vivre sa propre vie. Le père, aussi, dont l’incapacité (presque) totale à exprimer le moindre sentiment n’a d’égal que son manque d’implication dans l’éducation de ses enfants. Et la mère, dépressive, dépendante de son mari et qui ne trouve refuge que dans sa foi et dans l’Église. C’est un portrait ambivalent qui en est alors fait, mêlant un rejet voire dégoût très affirmé à une forme de pitié voire de tendresse.

L’adolescence approchant, débute également pour Florence un détachement très net avec la religion catholique. Les deux sœurs osent ainsi refuser d’aller à la messe et affirmer sans détour « on y croit plus en ton Dieu ». Paradoxalement, la jeune fille continue pourtant à être façonnée, bien malgré elle, par de nombreux préceptes conservateurs véhiculés par les établissements privés qu’elle fréquente : rejet de la contraception ou encore endoctrinement contre l’avortement sont au programme (l’occasion, dans ce dernier cas, d’un récit glaçant du film de propagande diffusé à sa classe de 3ème). Sur ce thème comme sur tous les autres abordés par cette BD militante, le ton sérieux et les réflexions profondes ne laissent pas indifférent.

Décrivant la société d'il y a trente ans, Pucelle raisonne étrangement comme parfaitement contemporain. Percutant et sans filtre, il aborde de multiples sujets et tire un à un les nombreux fils de cette pelote toute mélangée que constitue la condition féminine en France. Un ouvrage à mettre entre toutes les mains.

Moyenne des chroniqueurs
8.0