Les libérateurs Les Libérateurs
L
'Étranger est certainement le plus grand mal que la Terre ai jamais porté. Vil, fourbe,
dangereusement contagieux, il a vu des milliers de jeunes gens s'élever contre son empire. Levées
par des hommes d'exception, les Libérateurs, des armées partirent en croisades et frappèrent
plusieurs fois l'ennemi, sans jamais l'ébranler.
Berger devenu aspirant au service du Libérateur Alec Lean, Saint veut devenir l'une de ces légendes
vivantes. Lui aussi veut que l'on raconte ses exploits aux enfants à travers les spectacles de
marionnettes. Il veut construire l'Histoire de son peuple quel qu'en soit le prix. Son initiation
achevée, jeté sur le champ de bataille, il rencontrera bien l'Étranger. Seulement ses traits sont-ils
véritablement ceux de l'ennemi ?
Les Libérateurs évoquent assez basiquement la problématique de l'endoctrinement. Un peuple,
élevé dans la crainte d'une menace invisible et pourtant omniprésente, fédère ses individus autour
d'une élite militaire. L'aura dont ces Libérateurs jouissent est, bien entendu, sans commune mesure.
Ils asservissent paysans et villageois à leur cause sans autre effort que celui d'agiter haut et fort la
marionnette d'un ennemi dont le lecteur finit même par douter de l'existence. Pris dans le feu de
l'action, Saint braque le regard trop près de la garde de son épée pour comprendre le ridicule
morbide de sa situation : une simple trace suspecte, une lueur verdâtre, justifiera le massacre de
villages entiers, jugés et condamnés comme engeance de l'Étranger. Seule la désertion de son ami
Vavanca lui entrouvre les yeux sur la réelle motivation du Libérateur Alec Lean.
Le récit révèle rapidement une trame simple et efficace. Réhaussée par le trait virevoltant de
Fernãndez, elle trouve assez de profondeur pour maintenir l'intérêt du lecteur. Cependant, malgré la
mystérieuse scène développée en avant-propos de l'aventure de Saint, on trouve rapidement les
limites d'un univers à la profondeur tout juste évoquée. Comme si ce fantastique décor n'avait été
créé que pour une seule représentation, le temps de ce one-shot. Et même si la conclusion de
l'album reste très ouverte, on devine l'auteur peu enclin à se jeter dans une saga de plusieurs
tomes. Il pose simplement les bases d'une évolution de la situation initiale : son héros a "tué le père"
et s'est affranchi de son autorité. Il décidera seul désormais de ce qui est bon pour lui. Là encore,
Enrique Fernãndez n'offre pas une originalité à tout crin.
Côté narration, Enrique Fernãndez s'essaye à différentes techniques, multiplie les cadrages
audacieux et dévoile l'originalité de sa mise en scène très spectaculaire (voir la scène du piège des
cables enfouis). Et si quelques planches souffrent d'une énergie difficilement contenue, Les
Libérateurs signe le premier projet d'un auteur qui s'est depuis illustré comme un artiste au style
unique.
5.8