La désolation La Désolation

L a majorité des passagers du Marie Dufresne sont des scientifiques en route pour les îles Kerguelen. Cet archipel fascine car la faune et la flore y ont été relativement préservés de la main de l'Homme et sert de base idéale pour étudier l'évolution du monde. Alors, que fait Évariste sur ce bateau ? Il quitte sa Réunion natale, sa vie d'avant, il veut oublier... Amandine.

Le lecteur savait, en lisant le quatrième de couverture, qu'il risquait d'être surpris. En effet, il est annoncé «un périple au cœur de la nature sauvage». Vaste programme où tout est possible ! Après avoir fait la connaissance du héros - ce touriste à fond de cale dans sa relation amoureuse, un quotidien triste comme le crachin, en dérive générale - , tâté de la routine à bord, pris connaissance de la particularité de la destination... Virage dans une autre dimension : fantastique ? Mystique ? Écologique ? P'têt' bin que oui, p'têt' bin que non. Il serait totalement inaproprié et déloyal d'en dire dire plus sans déflorer le coup de maitre d'Apollo (Commando colonial, Biotope) qui emmène habilement le scénario sur des sentiers inattendus et pourtant, d'une cohérence indéniable. Le ton est sombre, implacable et l'atmosphère s'alourdit crescendo, la violence s'acerbe ; une belle maitrise du suspense et des rebondissement font de cet ouvrage une vraie réussite. Le fond de l'histoire pose également de sérieuses questions fondamentales sur la gestion par l'être humain de son patrimoine, l'avenir inquiétant de l'environnement, les retours aux valeurs essentielles, le radicalisme...

Il y a du fond, pas de soucis, mais qu'en est-il de la forme ? La désolation, c'est Christophe Gaultier (Banquise, Philby) en grande forme, fidèle à son style particulier assez brut, avec son épais trait rugueux et des couleurs vives qui, sur cet opus, ferait parfois penser à du Loustal, plus inquiétant cela va sans dire. Le découpage est quant à lui très classique, du gaufrier à six ou huit cases.

Excellent one-shot qui, sur un pitch intriguant, réussit pleinement à dérouter, captiver mais également à interpeller pertinemment sur le devenir de chacun et de la planète.

Moyenne des chroniqueurs
7.0