Jours de sable

A u beau milieu des années 30, la Farm Security Administration, organisme gouvernemental américain chargé d'aider les fermiers durant la Grande Dépression, décide d'embaucher John Clark tout jeune reporter-photographe de vingt-deux ans pour concevoir un reportage sur les terribles conditions de vie des agriculteurs du Dust Bowl (bassin de poussières) situé entre Oklahoma et Texas. Pas facile pour un étranger de se faire accepter sur des territoires inhospitaliers et chargés de misères ! Heureusement, il peut compter sur l'aide précieuse de la petite Betty, jeune fille trépidante et téméraire pour lui ouvrir les yeux sur cette catastrophe qui poussa à l’exode de milliers de fermiers vers la Californie.

Aimée De Jongh (Le retour de la bondrée) propose une plongée dans les grandes plaines américaines du Sud pour narrer un désastre écologique et économique vu à travers l'objectif photographique de son jeune protagoniste. Pour cela, la scénariste s'est rendue sur place pour s'imprégner de la culture locale et mener les recherches nécessaires à une étude la plus fiable et complète possible.

Ce pan méconnu de l'histoire agricole des États-Unis trouve sa singularité dans une politique intensive des exploitations céréalières sur les terres où, autrefois, venaient paître les bisons. Des millions d’hectares de prairies étaient dès lors convertis en champs céréaliers. Au cours des décennies précédant le Dust Bowl, dans un contexte de développement de l’industrialisation et grâce à l’arrivée d’une nouvelle vague d’immigrants en quête de lopins bon marché, la région a été défrichée et labourée avec une intensité délirante favorisant des phénomènes venteux extraordinaires sur des parcelles devenues dénudées. De nos jours et depuis une dizaine d'années, des épisodes semblables sont à nouveau observés chez l'oncle Sam, le réchauffement climatique s'asseyant sur le banc des accusés.

Les tempêtes de sable composées par l'autrice sont sublimes, s'appuyant sur toutes ses déclinaisons de jaune pour évoquer cette série de rafales de poussières destructrices. Les scènes dessinées sont entrecoupées de quelques photographies anciennes avec pour effet de donner un côté encore plus immersif à la narration. Le dessin, empreint d'une légèreté conférée par un trait fin et réaliste, fait que le lecteur tourne sans effort aucun les deux-cent-soixante-dix pages de ce récit, au détour desquelles des cases sans dialogue méritant une mention spéciale invitent à la contemplation.

Entre fiction et récit historique, Jours de sable propose une œuvre dense au cœur d'une aventure poétique très « sableuse », cette dernière donnera très certainement envie à chacun de dépoussiérer un peu plus le sujet ! À noter en fin d'ouvrage, un dossier explicatif sur la genèse du programme de la Farm Security Administration et son projet photographique destiner à présenter « l'Amérique aux Américains ».

Conseil de lecture supplémentaire : Un travail comme un autre d'Alex W. Inker.

Moyenne des chroniqueurs
8.3