La guerre La Guerre

A lexandre et Alice sont jeunes, beaux et riches. Héritiers de la réussite sociale de leurs parents, ils semblent héréditairement programmés pour l'excellence. Pourtant, derrière les apparences, leur vie insolente dissimule une fêlure. Depuis qu'ils ont provoqué un accident mortel, ils sont comme anesthésiés.

Ils n'ont pas eu à souffrir des conséquences de leur imprudence. Ils ont laissé derrière eux l'épave de l'autre véhicule, abandonnant les cadavres. Mais ils ont aussi été dépossédés de quelque chose, cette nuit-là. Parler d'innocence perdue serait trop romantique. Ils font partie de l'élite, qui prend sans remords, ni regrets. La culpabilité ne les concerne pas. Ce qui leur manque, c'est la capacité de jouir. Malgré les facilités que leur offre leur statut, ils ne ressentent plus rien. Incapables de communiquer, ils s'éloignent inexorablement. Chacun sombre à sa manière, tentant de retrouver un semblant de jouissance. Tous les moyens sont bons, et tant pis pour ceux qui croisent leur chemin. Ils ne sont rien de plus que des instruments dont la seule utilité est de satisfaire leurs désirs.

La Guerre est une fable sociale violente et nihiliste. En suivant un couple prêt à tout pour assouvir ses pulsions, les auteurs dressent un portrait au vitriol de la haute bourgeoisie, cette nouvelle aristocratie qui attise fantasmes et répulsion. Si la tristesse des corps peut rappeler Dans le jardin de l'ogre de Leila Slimani, c'est plus la vacuité existentielle de Brett Easton Ellis qui vient à l'esprit. Thomas Cadène compose un récit éthéré et elliptique que Loïc Sécheresse illustre avec un style brutal et vaporeux.

Le lecteur a parfois l'impression d'être coincé dans la descente cauchemardesque qui suit une fête trop débridée. Le problème, c'est que ce n'est pas une sensation qu'il n'a aucune envie de connaître, que les personnages de cette bande dessinée sont détestables dès la première page, que leurs actes sont inqualifiables et impardonnables, que les plaindre est la dernière chose qui pourrait traverser l'esprit et, qu'une fois le livre refermé, il est difficile de trouver cette histoire crédible. Elle n'est qu'un autre fantasme... celui d'une classe sociale dirigeante forcément criminelle. Malgré d'évidentes qualités graphiques et narratives, l'aspect vain et presque complaisant du récit inspire surtout la déception.

Moyenne des chroniqueurs
5.0