Elric (Simonson) 1. La naissance d'un sorcier

E lric est l'héritier du trône de l'empire Melnibonéen, dix fois millénaire. Cet empire domine les Jeunes Royaumes du haut de son extrême puissance, accordée par les Dieux, empruntée aux Dragons que les Melnibonéens chevauchent à l'occasion. Oui mais voilà : Elric est albinos et si faible que seule la magie le maintient debout. Son cousin Yrkoon trame de noirs complots pour le supplanter sur le trône de Rubis. De plus, Elric a fort à faire avec son initiation de sorcier qui, s'il y survit, fera de lui le successeur incontestable de son père Sadric.

Que le lecteur soit averti ! Il risque bien, au choix, de s'ennuyer ferme ou d'être rapidement perdu s'il n'est pas déjà familier avec une des plus grandes sagas de l'Héroïc-Fantasy : Elric le Melnibonéen de Michaël Moorcock. Univers à la fois baroque et gothique (il inspira d'ailleurs en son temps Philippe Druillet), où s'opposent les Divinités de la Loi et du Chaos. Entre leurs mains les mortels se révèlent de bien faibles marionnettes, mais n'en accomplissent pas moins de grandes et terribles choses. Cette saga, Moorcock la déclinera dans tout le "multivers", donnant naissance au concept du Champion Eternel, héros emblématique présent dans chacun de ses univers parallèles. Cette oeuvre majeure de la littérature de fantasy donnera même naissance à un célèbre jeu de rôle, fait sur-mesure pour ceux qui comparaient Donjons & Dragons à un pensionnat pour jeunes filles. Cet univers, Moorcock le fait vivre depuis les années 60 et curieusement il ne s'était jusqu'à présent jamais attaqué à la jeunesse de son héros le plus populaire.

C'est donc chose faite avec La Naissance d'un sorcier. Cet ouvrage a pour cadre, à la fois la jeunesse d'Elric, et, à travers le récit de son initiation onirique, les origines de l'empire de Melnibonée. Les nouvelles présentes étant inédites, sont à priori d'un grand intérêt pour l'inconditionnel d'Elric et de Moorcock. Mais on peut douter qu'il y trouve complètement son compte. Dés la couverture, on est en droit de se poser la question : Elric avec l'épée noire en main ? Hérésie ! Un peu comme si l'Anneau Unique était détruit dans Bilbo le Hobbit. Quelques détails cependant sont intéressants, notamment les rêves qui révèlent bien des secrets sur les origines de l'empire de Melnibonée. On pourra toutefois trouver dommage qu'Elric soit à ce point au centre de ces origines, mais peut-être cela s'inscrit-il dans la logique du champion éternel ? Il y aura des détracteurs, à ne pas en douter.

Simonson au dessin s'en sort honorablement, bien que son trait trop lisse et un peu statique ne convienne pas vraiment à cet univers. On est très loin de la flamboyance d'un Philippe Druillet. Néanmoins certaines séquences avec les dragons sont assez inspirées. De même les couleurs de Steve Oliff, en gardant un clinquant tout informatique, desservent l'univers de Moorcock. Etant pourtant lui-même un des initiateurs du projet, cet album doit le satisfaire. Quel dommage pour une saga de cette envergure, qui aura marqué des millions de lecteurs, de ne pas avoir fait appel au talent d'un Mignola ou encore d'un Sorel, pourquoi pas !

Un album donc assez décevant qui a du mal à tenir la promesse des retrouvailles avec l'albinos le plus célèbre de la Fantasy. Quant au profane, cet album constitue une mauvaise introduction au multivers, qu'il lui préfère plutôt Elric des Dragons et si un amateur de fantasy sommeille en lui, il est à parier que le reste de la série suivra.

Moyenne des chroniqueurs
4.0