Somnolences

T aïwan, aujourd’hui. Plus ou moins autobiographiques, anecdotiques ou profondes, dix histoires pour dix moments choisis au hasard dans un quotidien gris ou ensoleillé, entre tradition et modernité. Que faire de ses journées ? Que choisir à l’épicerie ? Et la famille ? Quid de L’amour et des vacances dans tout ça ? Pei Shu Chen raconte ce qu’est être une (jeune) femme à Taipei.

Sans esbroufe ni effets de manche inutiles, l’autrice dresse un portrait sincère de la réalité au jour le jour et de l’empilement des petits riens qui permettent inlassablement d'aller du lever au coucher. Tristounette ou répétitive, cette existence ? Oui, parfois. Cependant, en s’y attardant un peu, celle-ci s’avère nettement plus riche que les apparences. Une vieille amie de passage, une rupture amoureuse, une parente qui s’éteint, une nouvelle recette de cuisine à essayer, des projets d’avenir même, sans bouleverser totalement sa routine, il faut rester sur ses gardes, rien ne se répète vraiment. La solitude et une certaine usure se font néanmoins remarquer. À ce propos, surtout quand on est une fille, il y aura toujours une mère pour rappeler que le temps passe et qu’il faudrait penser à se poser et fonder un foyer.

Une approche simple tout en crayonné sans encrage, juste rehaussé à l’aquarelle porte ces récits. Quoique précise, la dessinatrice laisse beaucoup de liberté à sa narration. Résultat, les planches baignent dans un certain flou où, si tout est parfaitement reconnaissable, rien n’est totalement figé. Rêverie ou somnolence comme le suggère le titre du recueil ? Peut-être ou, plutôt, volonté de se méfier des conclusions définitives et se réserver un ultime espace de liberté pour respirer, malgré la foule, malgré l’isolement.

Finalement, moins tristes ou déprimants que ses prémices pourraient le suggérer, ces instantanés se montrent presque engageants et soulignent une fois de plus la résilience de l’être humain. Très bon moment de lecture tout en nuances, Somnolence est à savourer une tasse thé à la main et le chat sur les genoux, évidemment.

Moyenne des chroniqueurs
6.0