C'était demain

D eux gigantesques robots s’élèvent fièrement au milieu de gratte-ciels. Au loin, une fumée s’échappe et un rayon de lumière fracasse la devanture d’un bâtiment. Les décombres jonchent l’artère principale. Les voitures sont retournées par centaine. Une des entités sous un scaphandrier tend le bras la paume ouverte. À l’intérieur de cette main cybernétique se dresse un quinquagénaire rondelet, serviette aux hanches, bonnet et brosse de bain – une place envieuse assurément. Et si vous en doutez, penchez-vous sur la quatrième de couverture où le duo d’androïde trône sur un sofa. Le plus jeune des automates maintient l’homme en laisse. Il dispose même du privilège de posséder une gamelle sur laquelle le mot « Hom » est gravé. La chance !

Mo/CDM pour Chieurs De Mondes – du titre du légendaire fanzine produit par sa personne et ses non moins célèbres acolytes, Ralph Meyer et Julien/CDM – garde son œil aiguisé sur les travers de l’humanité. Comme un sacerdoce, il poursuit sa création d’univers drolatique, même si C’était Demain se déguste avec moins de délices qu’à l’accoutumée. Cet opus est une compilation. Or, les plus fines productions de l’auteur brillent habituellement par l’écriture de scripts, certes pré-publiés, mais disposant d’un fil conducteur solide (Les Trois petits cochons Reloaded, Geek War ou Philipp Kradow, Détective privé). Au final, c’est bien ce défaut d’empathie pour une galerie d’antihéros débiles (a priori) qui fait défaut, car les saynètes indépendantes sont tout de même portées par des dialogues aux petits oignons et par une appétissante sauce anticapitalisme, antiracisme et surtout pro-bêtise !

Cette anthologie trahit une vision assez pessimiste de notre société et de celle qui adviendra. Elle s’inscrit donc parfaitement dans la lignée de What the Future, déjà chez le même crémier (Fluide Glacial). L’artiste retrouve ses personnages archétypaux et des décors déjà sillonnés. L’illustrateur possède un style affirmé depuis quelques années et qui manque, peut-être, de prise de risque. Il croque sur un grand format (A2), donc ses planches respirent et offrent leur lot de détails. Pourtant, son trait lâche demeure souvent ouvert. Sa ligne laisse ainsi une sensation d’inachevée qui est complétée par une palette rapidement identifiable. Un graphisme agréable, mais sans véritable surprise.

Dès aujourd’hui, dévorez C’était demain, la critique intelligente et percutante de l’avenir peu reluisant qui se prépare !

Moyenne des chroniqueurs
6.0