L'Œil du chasseur

H unter occupe la fonction de gardien-chef d’une prison américaine. Son objectif : briser les bagnards. Ces jours-ci, il s’acharne particulièrement contre Climby. Ce dernier, assisté de Sally, parvient tout de même à s’évader. Le couple tente de se rendre dans le bayou louisianais où il compte se réfugier sur une petite île que le fuyard juge paradisiaque. Le maton se lance à ses trousses, mais s’ajoutent rapidement deux mystérieux hommes en noir, les frères Mudfullhead. Arrivé dans les marais, le couple est pris en chasse par Anthenor Lebonnard, le garde-forestier. Et comme si ce n’était pas suffisant, Coffin, un vieil alligator, sème la terreur.

Le scénario de Philippe Foerster respire l’esprit du feuilleton. Les rebondissements se multiplient, les alliances se font et se défont et les ficelles ne sont pas toujours discrètes. Cela dit, l’ensemble est plaisant, le récit se montre presque bon enfant, même si les scènes de violence apparaissent nombreuses. Les personnages ont une certaine complexité, chacun n’est pas tout à fait celui qu’il semble être au premier abord, plusieurs sortiront d’ailleurs transformés par l’épreuve. Enfin, l’intrigue de ce livre publié en 1988 demeure étonnamment d’actualité alors qu'il est question d'extrémisme religieux et d'enjeux environnementaux.

Bien que L’œil du chasseur figure parmi les premiers albums de Philippe Berthet, tout ce qui fera sa marque est déjà présent : États-Unis des années 1950 ou 1960, jolies filles, trame policière et coup de crayon d’influence ligne claire. Son dessin semi-caricatural affiche une grande lisibilité, les cases muettes sont du reste légion. Le découpage poursuit la même finalité ; loin de chercher à épater la galerie, il se met au service de la narration.

La toute dernière planche est fascinante. Dans la première moitié, le lecteur retrouve le geôlier, confortablement assis devant dans sa bibliothèque. Véritable ersatz d’Oncle Paul (celui des Belles histoires), il réinterprète l’anecdote et lui donne les allures d’un conte. Juste en dessous, une ultime vignette démontre brutalement que le capitalisme triomphera des fous de Dieu et des amis des animaux.

Mention à l’éditeur Anspach pour la qualité du travail réalisé : papier mat et épais, suivi d’un dossier de seize pages expliquant le contexte de la publication dans le journal Spirou.

Un bon polar, rondement mené, et même un peu plus.

Moyenne des chroniqueurs
6.3