Finnele 3. Allers-retours

P aris, 1928. Finnele a osé sauter le pas et est montée à la capitale À l’instar de beaucoup de jeunes filles provinciales, elle prend une place de femme de chambre chez des bourgeois de la place. Les longues heures et les tâches ingrates sont contrebalancées par le parfum envoûtant de la Ville lumière. De plus, en cas de déprime, elle sait qu’elle peut compter sur ses « compatriotes » déracinés et éparpillés dans les différents arrondissements. Malheureusement, elle tombe gravement malade et est envoyée en sanatorium pour se remettre. Désormais sans travail, un retour en Alsace est irrémédiable. Dans l’Allemagne toute voisine, l’échec de la République de Weimar a donné naissance à un mouvement nationaliste radical qui commence à faire des émules de ce côté du Rhin. Cela annonce un futur plutôt gris et sombre. Et le bonheur dans tout ça ?

Après un hiatus de près de cinq ans, Anne Teuf conclut enfin sa trilogie alsacienne et familiale. Tout en suivant au mieux la trajectoire de sa grand-mère, l’autrice dresse un portrait frappant de la France de la première moitié du XXe siècle. La vie d’employée de maison, les grandes et petites joies (ah, pouvoir enfin s’acheter des beaux vêtements), les maladies face auxquelles la médecine est encore impuissante (l’épisode au sanatorium de Zudicoote est saisissant de tendresse) s’adossent à une vision plus large où les nations et les populations sont mises en scène. La réalité économique déplorable des départements de retour au sein de la République, les tensions politiques qui fissurent le tissu social et les conséquences de cette modernité qui se fait attendre rendent la lecture prenante et des plus parlantes.

Peut-être moins fluide et contenu que les volumes précédents, Allers-Retours souffre certainement de l’éloignement géographique de Finnele. Les propos sur la maladie mentale, par exemple, sont intéressants en soit, mais brisent quelque peu l’équilibre établi dans Le front d’Alsace et Dommages de guerre. Heureusement, cette situation de dure pas et la dernière partie, alors que la Wehrmacht est de retour dans les rues d’Aspach-le-Haut, offre un final poignant parfait miroir du début de la saga en 1914.

Touchante et puissante en même temps, Finnele est une série mémorielle infiniment sincère. Au-delà de la simple anecdote personnelle, Anne Teuf réussit à faire littéralement revivre sa région, ses habitants et leur mentalité, ainsi que tout un pays dans sa complète entièreté. Merci pour le voyage.

Moyenne des chroniqueurs
6.0