Le tambour de la Moskova Le Tambour de la Moskova

E n 1810, dans la province iséroise, Vincent Bosse, tout juste entré dans l’âge adulte, est enrôlé, à la suite d’un tirage au sort, comme tambour dans l’armée napoléonienne. Grâce à son visage angélique, il échappe aux affectations militaires tel que fusilier, grenadier ou voltigeur. Il deviendra un « loin-des-balles », un musicien dispensé des mêlées sanguinaires.

La campagne orchestrée par Napoléon Bonaparte de Smolensk à Moscou en passant par Borodino est racontée par le protagoniste devenu vieillard auprès d’un mystérieux inconnu l’interrogeant sur son passé. La principale question posée en filigrane durant la restitution de ses mémoires étant de savoir par quels moyens ce gosse en apparence si fragile a t-il pu échapper à l’horreur de combats effroyables et survivre dans cet environnement terriblement hostile ?

Simon Spruyt (Papa Zoglu, Bouvaert) propose de conter les aventures du juvénile Bosse, personnage insignifiant de la littérature russe de Léon Tolstoï. Le projet trouve sa genèse il y a une dizaine d’année avec quelques pages dessinées sur un individu iconique de Guerre et Paix, Pyotr Ilyich Rostov. En 2020, les éditions Le Lombard lui proposent une collaboration et le scénariste choisit alors d’approfondir cette idée fictionnelle du piètre musicien entremêlée à notre Histoire du XVIIIe siècle. L’intention principale de l’auteur est d’explorer le thème de l’innocence dans un conflit atroce tout en questionnant le public sur la réelle nature et les sentiments du petit percussionniste. Son caractère ambigu entre candeur et arrivisme prête à confusion, en particulier lorsqu’il doit trouver sa véritable place dans cette opposition meurtrière en alternant plusieurs fois de camp malgré lui. Les passages du récit en 1860 lorsque Vincent à soixante-dix ans sont nécessaires pour amener une touche de repentir et justifier certains choix réalisés lorsqu’il avait vingt printemps.

Au service d'une œuvre intense, Simon Spruyt utilise pour ses pinceaux principalement deux couleurs, le bleu indigo et le brun ocre. La première sert à illustrer les costumes des troupes françaises et la seconde, le côté terre brulée et champ de bataille. La trogne blanche du héros détonne dans cet environnement sans âme voué à sa perte, il semble même redonner espoir aux autres figurants qui croisent sa route en admirant ce beau visage presque irréel. Pour finir, les pages sans dialogue méritent une mention spéciale, car elles appellent à la réflexion sur la sauvagerie de cette épopée épouvantable.

Le sujet sur la guerre franco-moscovite abordé dans Le Tambour de la Moskova ne rebutera pas les passionnés de roman graphique aux thèmes moins dramatiques car ce dernier est présenté de façon poétique et émouvante. Le lecteur tournera les pages au rythme pétaradant de l’instrument de percussion et conclura que cet agréable moment passé ne ressemble pas à une « Bérézina » !

Conseil de lecture complémentaire : La trilogie Bérézina de Patrick Rambaud, Frédéric Richaud et Ivan Gil.

Moyenne des chroniqueurs
8.3