Nellie Bly (Ollagnier/Maurel) Nellie Bly - Dans l'antre de la…

A près Nicolas Jarry et Guillaume Tavernier (Nellie Bly, journaliste), Luciana Cimino et Sergio Algozzino (Nellie Bly, première journaliste d’investigation), sans oublier un épisode des Culottées de Pénélope Bagieu, c’est au tour de Virginie Ollagnier et Carol Maurel de proposer une biographique dessinée dédiée à cette figure marquante.

Pionnière, féministe, militante sociale, grande reporter, envoyée spéciale, quasiment une aventurière à un moment de sa vie, Nellie Bly (1864 – 1922) l’a été, mais jamais dans une volonté révolutionnaire. Non, tout ce qu’elle désirait, c’était de pouvoir travailler et gagner sa vie sans avoir à en demander le droit à personne. Malheureusement, au XIXe siècle, aux États-Unis (et partout ailleurs sur la planète), les femmes étaient considérées comme des « créatures fragiles » – tout en étant corvéables à merci -, obligées d’obéir et de s’en tenir à leurs tâches « naturelles » : gérer le ménage et s’occuper des enfants (ainsi que faire en sorte que la soupe soit chaude au retour de leur mari !).

Internée volontairement à l’hôpital psychiatrique de Blackwell's Island, Nellie observe et subit le sort réservé aux pauvres hères qui ont eu la malchance d’être reléguées au sein de cette antichambre de l’enfer. Son but est de décrire les affres que la bonne société américaine destine à celles qui ne rentrent pas dans le moule moral de l’époque. Il y a, certes, de vraies malades mentales, mais, la majorité (des émigrées de fraîche date ne parlant pas la langue, des « filles perdues » et même des aïeules encombrantes) sont bel et bien saines d’esprit et retenues de force. Brimades, violences, humiliations, dans les faits, tout était entrepris afin qu’elles perdent la raison pour de bon. Les articles que fera paraître Bly par la suite joueront leur rôle de canaris dans la mine et les autorités seront contraintes d'améliorer les soins et les traitements prodigués par cette institution.

Entrecoupée de retours en arrière à propos de la jeunesse de l’héroïne et rythmée d’extraits de ses écrits, la narration s’avère plaisante à suivre. Le ton est évidemment engagé et permet de découvrir ce qui a changé et, par la même occasion, ce qui perdure encore aujourd’hui au rayon égalité des sexes. Le découpage et la mise en scène se montrent également très efficace, particulièrement quand la dessinatrice prend de la hauteur. Les grandes compositions, que ce soit d’une simple pièce ou de tout New York, se démarquent et offrent un peu de répit salvateur avant d’être obligé de retourner dans les cellules qui servent de chambre aux malheureuses.

Extrêmement documenté et minutieusement reconstitué, Nellie Bly – Dans l’antre de la folie raconte avec toute l’attention nécessaire cette admirable femme qui osa franchir les lignes quand ça ne se faisait pas.

Moyenne des chroniqueurs
6.3