Fukushima - Chronique d'un accident sans fin

A vec un mur anti-tsunami de neuf mètres, les ingénieurs de la centrale nucléaire de Fukushima se pensaient en sécurité. Pas de chance, la vague provoquée par le tremblement de terre du onze mars 2011 atteignit quinze mètres de haut et inonda instantanément les installations, les précieux groupes électrogènes de secours en particulier. Encore plus grave, le séisme ayant détruit les lignes électriques dans toute la région, le crucial refroidissement des réacteurs n’était plus assuré. Malgré les efforts désespérés des employés, le pire ne put être évité et trois des quatre cœurs fusionnèrent et explosèrent en relâchant une grande quantité de matériel radioactif dans l’atmosphère et l’océan. Dix ans après, la zone est toujours fortement contaminée et confinée.

Dans Fukushima – Chronique d’un accident sans fin, Bertrand Galic a choisi de se concentrer sur les cinq premiers jours de la catastrophe. Se tenant au plus près des faits (cf. l’excellent dossier en fin d’ouvrage) avec un minimum de dramatisation pour les besoins de la narration, il propose un album tendu à l’extrême qui met le lecteur littéralement au cœur des évènements. Au centre du récit, Masao Yoshida, le directeur qui osa outrepasser sa hiérarchie (crime suprême au Japon) et prendre des décisions cruciales quand tout semblait perdu, fait au mieux en fonction des informations disponibles. Il a à ses côtés des collègues dévoués et débrouillards qui surent trouver des solutions de fortunes alors que les dirigeants de la Tepco à Tokyo ne cessaient de tergiverser. Leçon de courage et d’abnégation, cas d’école d’un système managérial dépassé et intrication malheureuse avec le pouvoir politique (la visite express du premier ministre Naoto Kan est ahurissante), le scénario met parfaitement en relief les incohérences et les défis de cette crise majeure.

Aux pinceaux, Roger Vidal rend une copie nette et sans bavure. Outre des personnages expressifs et très bien croqués, sa mise en page dynamique retranscrit efficacement l’urgence de la situation. Moins convaincant, le trait, un peu trop rond ou doux du dessinateur se fait remarquer ici et là (les scènes d’explosion, certains regards, par exemple). D’un autre côté, ce choix esthétique volontaire permet de privilégier l'aspect humain de l’histoire, ce qui n’est que justice en vu des sacrifices endurés par ces hommes et femmes.

Projet comparable dans l’esprit à la mini-série télé Tchernobyl, Fukushima – Chronique d’un accident sans fin est une lecture à la fois édifiante et poignante. Il joue également le rôle de piqûre de rappel à propos des dangers potentiels de l’énergie atomique.

Moyenne des chroniqueurs
6.5