Louisiana 2. La Couleur du Sang

Q uoiqu’on en pense, il n’y a pas une seule teinte d’hémoglobine, il y en a deux. Et au XIXe siècle aux États-Unis, il valait mieux ne pas les mêler. Il était certes possible de fraterniser avec l’autre et même de batifoler avec elle… dans la grange ou au bordel. Il y avait toutefois des trucs qui ne se faisaient pas, comme s’amouracher de celle qui souffre d’un excès de mélanine ou pis encore, l’engrosser. Pour sa part, Joséphine aime bien les Noirs ; son amie d’enfance est d’ailleurs plutôt bronzée. Il y a tout de même des limites à ne pas franchir ; quand son fils, Jean, déclare sa flamme à une esclave, elle le renvoie en France.

Dans ce deuxième tome de Louisiana, Léa Chrétien porte un dur regard sur ces Français à la tête de plantations. Les hommes y apparaissent, pour la plupart, comme des salauds et il n’y a pas grand-chose de plus à dire sur eux. Les femmes se veulent plus nuancées, à moins qu’elles ne soient davantage hypocrites. Elles sympathisent avec leurs sujets, elles leur offrent parfois leur amitié. Chacun doit néanmoins tenir son rang et se souvenir que l’un demeure propriétaire de l’autre. Bref, le déterminisme social est solidement implanté sur ces terres que Napoléon Bonaparte a vendues pour une bouchée de pain.

Dans ce récit, l’Hexagone est représenté par des dégénérés, ivrognes et bons à rien. La mère patrie est évoquée à quelques reprises, mais jamais montrée. Et quand il est question de son extension américaine, elle est désignée par son nom anglais. Le choix du vocable n’est probablement pas neutre, un peu comme si l’auteure désirait marquer la distance avec cette parenté honteuse.

Le dessin de Gontran Toussaint est vraiment très beau. Les émotions des personnages se révèlent vives et son trait traduit habilement le jeu des acteurs. L’artiste arrive du reste à bien faire vieillir ses protagonistes, tout au long de cette chronique qui embrasse plusieurs décennies. Chapeau aux nombreuses scènes en clair-obscur, ces moments où les choses ne sont ni tout à fait blanches ni tout à fait noires.

Une tranche d’histoire connue, mais agréablement revisitée. Cinéastes, écrivains et bédéistes y reviendront sans doute aussi longtemps que ce pays n’aura pas su apprivoiser ses démons.

Moyenne des chroniqueurs
7.0