Duke (Yves H./Hermann) 5. Un pistolero, tu seras

L estés de 100 000$ à convoyer en toute sécurité pour le compte de l’exploitation minière Mullins, Swift et Morgan Finch, alias Duke, captent les attentions et attisent les convoitises. Peg, éperdument amoureuse du pistolero, a été enlevée par des inconnus. Un détachement militaire poursuit les deux hommes. Il est mené par Blair, bien décidé à se venger de toute l’oppression subie par sa communauté, qui mène un combat allant bien au-delà de l’appât du gain. Chemin faisant, Duke est hanté par son passé, son arrivée, avec son frère Clem’, à l’orphelinat du professeur Theodore King, ses tentatives d’évasion et le long parcours qui fera de lui un tueur à gages. Les immensités arides et oppressantes de l’Ouest américain voient de nouvelles tragédies se nouer. Une partie serrée s’engage.

Un pistolero, tu seras, cinquième épisode de Duke, reprend l’intrigue précisément là où s’était achevé le tome précédent. Yves H., le fils, en signe à nouveau le scénario. Hermann, le père, tient encore et toujours les crayons et les pinceaux. S’il n’est pas besoin de présenter l’immense artiste, qu’il soit permis de souligner son rythme de travail, à 82 ans passés. Il y a un an paraissait La dernière fois que j’ai prié, en septembre 2020 un volume de Jérémiah (Tu piges ?) et, en ce début d’année 2021, le présent album. Derrière ce titre pas très heureux et une couverture qui ne rend pas hommage au contenu, se dévoile le nouveau segment d’une série qui ne déçoit pas. En totale cohérence avec les quatre premiers albums, l’histoire de ce chasseur de prime solitaire, qui a bien du mal à se repentir, se poursuit, ancrée dans le western le plus classique qui soit, sans donner dans la redite ou l’auto-parodie. Personnage principal plus que héros, Duke est tourmenté. Il voudrait retrouver son libre arbitre et faire prendre une autre direction à son destin, mais les événements, les hommes, leur part d’ombre, l’Ouest, dans sa violence et son instabilité, en décident autrement. S’il n’a pas toujours été irréprochable dans la rigueur de son écriture, Yves H. signe là un de ses récits les plus solides et construits.

La force des caractères et les ressorts narratifs habiles ne seraient cependant rien sans le souffle épique habitant le dessin d’Hermann. Des visages burinés qui racontent des drames et des souffrances sans que les mots ne soient nécessaires, aux étendues hostiles et vertigineuses du Nouveau Continent, le trait de l’artiste dit, avec ses cadrages et ses aquarelles, le mouvement de l’homme et son écrasement par des espaces qu’il ne saurait domestiquer. Sales tronches, crépuscules empourprés, étendues désertiques, roches oppressantes, aubes rougeoyantes, cieux étoilés, tout transpire le plaisir de mettre en image et d’émouvoir. Plus de cinquante ans après ses débuts, c’est remarquable.

Si Jérémiah marque le pas, Duke reste de grande qualité. Celles et ceux qui ont été séduits par les premiers titres peuvent continuer l’aventure sans hésiter, d’autant que le sixième opus est d’ores et déjà annoncé. Il s’appellera Au-delà de la piste. Le grand homme a encore beaucoup à offrir ; qui s’en plaindra ?

Moyenne des chroniqueurs
8.0