L'homme sans sourire

F ol Espoir rêve de gouverner. Le Roi Joyeux, lui, voudrait retrouver le sourire grâce à sa fille Carmine. La princesse devrait d'ailleurs se méfier, à trop glousser, elle pourrait avoir des ennuis. Car, dans ce royaume, le rire est prohibé, les sujets n'ont le droit que d'être des Sinistres. Regards baissés et tristes mines, ils ne peuvent se marrer qu'intérieurement, comme le fait Hubert 31-36. Tiens, mais ce Hubert que veut-il, lui ? Ah oui, trouver sa princesse...

En parcourant le texte du quatrième plat, la dystopie vient à l'esprit. En découvrant les premières planches, l'impression se confirme, Urban et 1984, en tête. Puis, rapidement, le ton absurde apparaît et la filiation avec La Nef des fous pointe le bout de son nez. Mais L'Homme sans sourire n'est pas une simple copie inspirée de (glorieux) exemples que chacun voudra voir. L'histoire imaginée par Louis est une fable sur fond de lutte de pouvoir qu'une histoire d'amour va bouleverser. Enfin, ça, c'est ce que le scénariste de Mon père ce poivrot laisse croire, mais il offre plus que cela. Sans déflorer l'intrigue, dont la conclusion éclaire d'un autre jour toute la lecture, il s'amuse de cette course effrénée en brouillant les pistes et en moquant, au passage, les puissants, la propagande, la crédulité, l'endormissement des masses, etc.

Pour cette entreprise, il s'appuie sur la colorisation de Véra Daviet et le dessin Stéphane Hirlemann qui, exceptées quelques participations à la revue Aaarg !, fait son entrée dans le neuvième art avec cet album. Style caricatural et vivant, l'artiste se montre généreux dans ses arrières-plans et ses décors. Il fait également une jolie démonstration de mise en scène : doubles-planches surprenantes, angles de cadrage variés, pages en miroir, cases répétées. Son découpage, participant pleinement à la narration, s'adapte au tempo de cette aventure déjantée et permet de surmonter les nombreux passages verbeux. Car l'utilisation de la voix-off casse la fluidité et alourdit le rythme. Le recours aux rimes, apparaissant forcé parfois, ne suffit pas à la faire oublier et il faut attendre l'épilogue pour qu'elle prenne tout son intérêt.

Ce n'est rien de dire que L'Homme sans sourire désarçonne. Jusqu'à l'ultime page, difficile de prévoir où les auteurs souhaitent véritablement aller. Une fois la lecture de cette fable loufoque terminée, ce sont bien la surprise et l'émotion qui, malgré quelques lourdeurs, l'emportent.

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6.0