Donjon Monsters 13. Réveille-toi et meurs

Émergeant, tel le Colonel Chabert, d’une fondrière faite de cadavres décharnés, deux créatures retrouvent l’air libre. Simples squelettes, aveugles et passablement désorientés, ils tentent de comprendre ce que le destin leur a réservé. Entourés d’une multitude de coreligionnaires dans le même état, ils réalisent vite que c’est au cœur d’une énorme bataille que le sort (un sort bien précis en fait) les a appelés. Si leurs orbites n’étaient pas vides, ils pourraient voir face à eux la forteresse du grand Khan et, perdus au milieu du tumulte, les silhouettes d’anciens camarades en détresse.

L’absence de David B. dans la famille Donjon a toujours été une source d’étonnement chez les lecteurs. Son nom sur la couverture de Réveille-toi et meurs rassure et répare cet étonnant manque. En effet, tant son style fantastique si reconnaissable, que son riche passé avec ceux de L’Association, obligeaient l’auteur d’Hâsib et la Reine des serpents d’être de la partie. Généreux, Lewis Trondheim et Joann Sfar lui ont concocté un scénario sur mesure, rempli de carcasses, de combats épiques et de peurs primitives. De plus, ce récit situé au niveau soixante-dix-neuf du canon leur permet également de poser des jalons importants pour mieux appréhender des événements cruciaux de la période Crépuscule.

Cette conjonction de talent tant espérée et attendue illumine-t-elle harmonieusement le ciel de Terra Amata ? Oui et non : si le récit se montre brillant, alternant moments de doutes et de gravité avec de bonnes doses d’humour potaches, le dessinateur paraît, quant à lui, moins à son aise. Preuve en est un flot narratif gêné aux entournures, comme trop à l’étroit. Écrasées par des textes envahissants, les planches manquent drastiquement d’air ou d’espace afin de s’épanouir complètement. Les rares grandes cases gorgées de panache et d’élan viennent confirmer un découpage finalement peu approprié à la faconde de l’illustrateur. Pour autant, celui-ci n’abdique jamais et arrive à boucler son album d’une manière plus qu’acceptable. Par contre, impossible de ne pas imaginer ce qu’aurait pu donner la même histoire réalisée avec moins de contrainte de pagination et plus de liberté dans la mise en page.

Malgré ce petit bémol au niveau du dessin, il serait malhonnête de vraiment bouder son plaisir sans passer pour un fâcheux. Réveille-toi et meurs est une lecture prenante et particulièrement touchante en ce qui concerne deux des protagonistes comptant parmi les favoris de beaucoup des aficionados de la saga.

Moyenne des chroniqueurs
6.0