Ne m'oublie pas

« J’ai la mémoire qui flanche, j’me souviens plus très bien … ». Marie-Louise, nonagénaire, est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Résidente d’un établissement d’hébergement pour personnes dépendantes (EHPAD), la décision est prise par sa fille, médecin généraliste, d’opter pour la camisole chimique en augmentant le traitement médical. Clémence, la petite-fille, s’offusque de ce choix et décide de « kidnapper » sa Mamy pour l’emmener une dernière fois voir la maison de son enfance. Le road-movie peut commencer …

A tout juste vingt-trois ans, Alix Garin propose son premier album. Lauréate du prix Jeunes Talents du festival « Quai des bulles » de Saint-Malo en 2017, cet ouvrage suite à une gestation de deux ans est publié au Lombard. L'autrice expose les effets de la pathologie neurodégénérative affectant la mémoire des individus, altération contraignante pour l’entourage du patient qui se retrouve généralement sans solution pour améliorer le quotidien du sujet. L’autrice a puisé dans son vécu familial, sa grand-mère ayant eu ce trouble sévère, pour raconter cette fuite en avant, en la teintant de tendresse et d’un humour très fin.

Ce voyage, qui peut ressembler en certains points au Thelma et Louise de Ridley Scott pour son côté "cavale", est à la fois émouvant et quelque peu loufoque. Néanmoins, cette absurdité pose la question de la fin de vie des personnes âgées quand, peu à peu, la déchéance s’installe et que surgit la volonté de terminer dignement son existence.

Le dessin au trait doux et poétique donnera au lecteur un sentiment de légèreté quand il tournera dans une grande fluidité les deux-cent-vingt pages de ce récit. Composées de tons pastels, les couleurs confèrent sensibilité et pudeur dans les scènes où les corps sont dénudés. Par ailleurs, bien que les décors ne paraissent pas tout à fait aboutis, le coup de crayon est déjà mature pour une première publication.

Pour un coup d’essai, c’est déjà un coup de maître ! Ne m’oublie pas s’attache à conter un road-trip ayant comme sujet principal la maladie sans tomber dans le pathos, ce qui est souvent un exercice difficile à réussir. Pour finir, Alix Garin semble offrir une sorte d’introspection, tant sur ses relations familiales qu'à propos des personnes qui gravitent autour d'elle, la trogne de Clémence lui ressemblant d’une manière très réaliste. Le rendez-vous est d’ores est déjà pris pour le second album de cette jeune auteure belge, car personne ne l’oubliera de sitôt !

Conseil de lecture complémentaire : Le plongeon de Séverine Vidal .

Moyenne des chroniqueurs
7.5