À cœur ouvert

D ébut des années soixante-dix, souffrant de la maladie du sang bleu (tétralogie de Fallot en jargon médical), un syndrome dû à une malformation cardiaque, Nicolas a été un des premiers enfants à subir une opération à cœur ouvert. La procédure fut un succès et il ne lui est resté comme seule séquelle qu’une impressionnante cicatrice sur la cage thoracique. Ce « souvenir » lui garantissait un effet choc quand il la montrait à ses copains d’école et, plus tard, à l’adolescence, lui octroyait même une aura d’aventurier romantique auprès des filles. Depuis lors, à part cette trace gravée dans la chair et quelques visites de routine, il s’est toujours bien porté. Quarante après, boum patatras, son palpitant fait reparler de lui. Moult examens et analyses plus tard, le couperet tombe : le temps a fait son œuvre et une nouvelle intervention délicate s’avère indispensable à sa survie.

Ce Nicolas, c’est Nicolas Keramidas, l’auteur de Luuna et de Mickey’s Craziest Adventures. Après de nombreux questionnements, il a décidé de partager son expérience. Comme la narration à la première personne le souligne, le voyage est évidemment avant tout intime. Par contre, au fil de son parcours, ses réflexions sur la maladie, les soins et les impacts de son état de santé sur la vie de tous les jours rendent la lecture particulièrement parlante. De plus, la minutieuse description de ses séjours au sein d’établissements hospitaliers monolithiques où le patient devient un cas parmi les autres finit par rendre ce cheminement universel. Pour finir, les (rares) moments, où face aux peurs et à l’angoisse, il craque nerveusement – il a maintenant des enfants – parleront certainement à toutes les mamans et à tous les papas.

En contrepoint à la gravité du scénario, le style éminemment sympathique du dessinateur procure ce qu’il faut de distance. Le trait tout en rondeur, les innombrables trouvailles du découpage et les petits apartés en tête-à-tête pour résumer quelques épisodes trop longs à montrer apportent de la variété, de l’humour et beaucoup de rythme à ces longues journées où le malade est cloué au lit. Cette imagination graphique de tous les diables démontre que la bande dessinée possède la force d’évocation et la plasticité nécessaires pour aborder tous les sujets. Résultat, il est impossible de ne pas de se sentir touché par ce récit sincère si astucieusement mis en images.

Impressionnant exercice de résilience, À cœur ouvert (titre tellement juste) est aussi un superbe témoignage sur la fragilité de l’être et, mine de rien, des progrès époustouflants de la médecine et de la chirurgie cardiaque.

Moyenne des chroniqueurs
7.0