Fleur de Tonnerre

L ’histoire d’Hélène Jégado (1803-1852) commence dans une bourgade retirée du Morbihan, au sein d’une paysannerie pétrie de catholicisme fervent et de superstitions tenaces. À l’âge de sept ans, elle découvre que la flore environnante peut être hostile, voire mortelle. La petite fille voudrait se faire des bouquets de belladone, de fleur à vipère ou de fleur de tonnerre, mais sa maman lui en enseigne les méfaits. Sa propension à ramasser les mauvaises plantes lui vaudra le surnom de l’une d’entre elles. Son éducation, faite d’interdits, de peurs, de légendes locales terrifiantes et de l’omniprésence de l’Ankou, l’entraînera sur la pente de la vérification du pouvoir des herbes. Son attirance, puis son savoir-faire, en cuisine lui offrira les occasions d’utiliser, en druidesse malfaisante, tous ces ingrédients malins. Fleur de Tonnerre entame un parcours semé de cadavres et de fuites. Sa mère sera la première de ses victimes.

Jean Teulé a publié Fleur de Tonnerre chez Julliard en 2013. Jean-Luc Cornette (Columbia, Jhen) en livre l’adaptation en cent-seize planches d’humour noir, cher au romancier. De presbytères en lupanars, de curés naïfs en maris crédules, Fleur de Tonnerre sème ses gâteaux aromatisés à l’arsenic partout où l’hôte des lieux a eu besoin d’une cuisinière. Au-delà de cette hécatombe souvent désopilante, l’album croque une Bretagne aux traditions bien ancrées, à l’irrationalité dangereuse et aux pratiques pittoresques. L’épisode des naufrageurs et les prières morbides de Notre-Dame de la Haine en sont des exemples particulièrement marquants. Il en est de même pour la statue de saint Yves, fouettée par des croyants mécontents de leur sort. Les dialogues, fleuris et hauts en couleurs, en rehaussent l’impact et le décalage.

Le dessin de Jürg (Atroce!, Twist And Shout), entre école franco-belge et comics indépendants, fait le choix de l'austère, du sombre et de l’oppressant, pour accentuer l’aspect tragique du récit mais aussi contrebalancer l’humour et le gag toujours sous-jacent. Le gris, l’ocre et la sépia immergent dans des contrées reculées du 19è siècle, assombries par une météo aux nuages bas et lourds et des âmes qui feraient n’importe quoi pour se sauver. L’ensemble n’en est pas moins dynamique et expressif.

L’esprit iconoclaste et pince-sans-rire de Jean Teulé se retrouve dans cette aventure tirée d’une histoire vraie. La succession d’assassinats sordides n’est, après tout, qu’une série de plaisanteries de potache irresponsable. La malice taquine, la fourberie espiègle et l’éclat de rire l’emportent, c’est bien l’essentiel.

Moyenne des chroniqueurs
7.0