Bootblack 2. Tome 2

A près avoir magouillé avec le crime organisé et commis un meurtre extrêmement violent, Al, un cireur de chaussures âgé de quinze ans, écope de dix années de prison. Au moment de sa libération, il découvre que ses amis sont tous morts ou disparus, incluant Maggie, laquelle avait gagné son cœur. En fait, il n’y a que les mafieux qui se souviennent de lui et ils aimeraient bien récupérer la somme qu’ils avaient confiée au garçon et à ses copains. Les choses tournent mal et le jeune homme fuit en s’enrôlant dans l’armée pour participer aux dernières opérations de la Deuxième Guerre.

Dans ce second volet de Bootblack, Mikaël emploie fréquemment un ton quasi onirique, en porte à faux avec la violence des champs de bataille et de celle des ruelles de la grosse pomme. Pour tout dire, le combat se révèle surtout intérieur, comme en témoignent de longues séquences de monologue. Il est celui de la remise en question d’un gamin déchiré entre le pays de ses parents et celui qui l’a accueilli, deux classes sociales (la sienne et celle qu’il convoite) et une vie jusqu'alors ponctuée d’actes brutaux alors qu’il aspire à la sérénité et aux sorties en famille à Coney Island. Adoptant la forme d’un va-et-vient entre deux continents et trois épisodes, la narration est tout d’abord déroutante, mais le lecteur arrive tout de même à facilement remettre de l’ordre dans tout cela, entre autres grâce à l’alternance entre le sépia (pour les segments new-yorkais) et le gris (européens).

La reconstitution de la ville et de l’époque est réussie, notamment avec l’omniprésente saleté en contraste avec les publicités et les affiches de cinéma vendant un rêve difficilement accessible aux cireurs de chaussures qui travaillent au ras du sol, là où la crasse s’accumule. Les personnages avec leurs visages fatigués et leurs vêtements élimés sont issus de la même douleur. À cet effet, il est intéressant de noter que le héros est admis au bagne vêtu d’un costume trop grand pour lui, mais que lorsqu’il en sort, le pantalon lui va aux mollets. Ces détails font la richesse des illustrations de l’auteur de Promise.

Ce second opus conclut le deuxième diptyque d’une série de récits consacrés aux petites gens qui survivaient à Manhattan dans les années 1930 et 1940. Le premier, Giant, racontait l’aventure des ouvriers recrutés pour construire les gratte-ciels ; le prochain se déroulera à Harlem.

Moyenne des chroniqueurs
7.0