Terre 1. Le vieux monde

R éfugiés à l’intérieur de la frégate de sauvetage 3, à la suite de l’avarie du croiseur spatial Jupiter, les rescapés sont positionnés en orbite autour de la Terre. Le capitaine décide alors de descendre à 300 pieds. En dessous des masses gazeuses, les relevés établissent que l’atmosphère est respirable. Dès lors, une exploration sommaire est lancée. Elle découvre une dent de la taille d’un homme et aucun signe de vie humaine. Une seconde mission de reconnaissance est attaquée par une espèce de crocodile extrêmement agile. Une réserve limitée de carburant et autres matières premières contraint d’organiser une implantation durable des survivants au sol. Sans ressources, mais forts de leurs savoirs, les colons réalisent des huttes sphériques suspendues. Plusieurs équipes sont formées afin d’améliorer la vie du campement et de procéder à l’étude des lieux. Mandor, Beth, Mona, Soane et six voyageurs forment un groupe. Ils entament une expédition se confrontant à l’inattendu.

Rodolphe (Centaurus, Amazonie, L’Autre Monde) qualifie cette épopée de spéculative fiction, dont la formule est à attribuer à l’auteur américain Robert A. Heinlein (On The Writing Of Speculative Fiction, 1947). De la sorte, le scénariste souhaite se distinguer du courant littéraire Hard Science qui repose davantage sur la vraisemblance technologique et les connaissances actuelles, ou, du moins, sur les hypothèses admises. De ce fait, l’écrivain élude toutes les justifications accessoires pour concentrer son récit sur les interactions de ses héros et le rythme de l’exposition de l’intrigue. Ainsi, après la révélation de l’ultime tome de TER, la quête d’origine de Mandor se retrouve bouleversée. Le narrateur a désormais conscience de sa véritable nature d’androïde et n’éprouve donc que peu d’excitation à déambuler sur la planète bleue. Beth le soutient fidèlement dès qu’ils se retrouvent enfin seuls, cependant l’existence d’un pionnier n’offre pas véritablement d’intimité. Lorsqu’une succession d’événements rythmant le récit provoque, tout à la fois, l’isolement du couple et l’installation de nombreux mystères, c’est la bascule. L’ouvrage gagne en souffle. L’aventure oscille entre poésie et découvertes déconcertantes. Et la dernière planche finit d’achever le lecteur par un cliffhanger encore plus accrocheur. Superbe !

L’artiste helvète Christophe Dubois (Le Cycle d’Ostruce, La Ballade de Magdalena) livre une énième prestation de haute volée. Son dessin texturé à la manière de Paolo Eleueri Serpieri et de François Schuiten déborde de grâce. Les ombres faites de multiples traits parallèles marquent le volume et emplissent les cases. L’usage de la caméra et ses cadrages resserrés insistent sur la retranscription des émotions puisque la relation des argonautes demeure au cœur de l’œuvre. Néanmoins, quelques pleines pages ponctuent le récit et apportent un côté spectaculaire inhérent au genre. Les espaces inventoriés par les auteurs diffèrent de la saison antérieure en raison d’une végétation et d’une faune moins singulières. Toutefois, certaines ambiances sont similaires aux épisodes précédents et notamment des tons violacés, sorte de signature de la saga.

À l’instar du cycle originel, l’éditeur accole un cahier graphique à la bande dessinée. Ce supplément se présente sous la forme de galerie de personnages. En peu de mots, les intentions et les caractères des protagonistes sont exposés. Ceci permettant de familiariser les nouveaux lecteurs aux enjeux développés quand bien même cette campagne se déguste autrement après la relecture des trois opus de TER.

Avec TERRE, le vieux monde, Rodolphe et Christophe Dubois amorcent une nouvelle trilogie aussi passionnante que leur première collaboration. La rigueur de la narration et l’exigence visuelle en font un indispensable de l’anticipation !

Moyenne des chroniqueurs
8.0