Tanz !

P rintemps 1957, Uri fréquente l’Université des arts Folkwang à Berlin. Le jeune homme souffre de l’académisme prêché par les enseignants et rêve de comédies musicales. Anthony, un Américain de passage, l’incite à se rendre à New York, dans un pays où tout est possible, loin de l’austérité allemande. Le danseur s’y rend et découvre le bouillonnement culturel de la grosse pomme, se la coule douce, couche avec ses amants, passe des auditions, en rate quelques-unes, puis décroche un premier rôle.

À travers une année de la vie de l’artiste, Maurane Mazars capte l’essence d’une ville et d’une époque qui se révélera marquante. Les arts s’affranchissent des canons et se mettent à la portée du plus grand nombre. La peinture devient pop, la poésie se fait Beat et la danse se marie à la chanson et au théâtre. La métropole américaine s’impose comme lieu de tous les possibles et, pour le protagoniste, elle remplit ses promesses. Tous n’ont pourtant pas cette chance. L’autrice le démontre en dépeignant les déboires de son amie Patty, laquelle multiplie les refus avec son projet de spectacle et Anthony, en rupture avec les Blancs, qui choisit de travailler avec une compagnie afro-américaine où il ne se sentira plus différent. Condition des femmes, des Noirs et des homosexuels, le programme est ambitieux, sans pour autant apparaître lourd. En fait il se dégage surtout de l’ensemble une immense tendresse entre des personnages attachants.

La bédéiste est visiblement influencée par Brecht Evens (Les amateurs, Les Noceurs, Panthère), particulièrement par le choix des couleurs, souvent brillantes, notamment lorsque les compères font la fête. Il y a par ailleurs un peu d’Edmond Baudoin dans sa façon de représenter les chorégraphies avec fluidité et légèreté, même si les émotions sont toujours à fleur de peau. Il est enfin important de relever son travail sur la lumière, les ombres et les reflets qui donnent une belle profondeur à ses illustrations. Alors que le récit est au final tout simple, elle s’offre le luxe de l’espace ; l’album fait en effet près de deux cent cinquante pages, fréquemment composées d’à peine une ou quelques cases, maintes fois muettes ; à quoi bon ajouter des mots si l’image parle d’elle-même.

Un hymne à la vie, agréable comme une soirée avec des copains dans un café de Hell’s Kitchen.

Moyenne des chroniqueurs
8.0