Odilon Verjus (Les exploits d') Intégrale 1

E n 1929, Laurent de Boismenu, missionnaire du Sacré-Cœur d’Issoudun, ancien pilote de l’armée française, arrive péniblement au cœur de la Papouasie, lesté d’un lot de fourchettes. Sa hiérarchie l’envoie assister Odilon Verjus dans son sacerdoce océanique. Ce dernier, rondouillard, audacieux, bon vivant et pragmatique, s’arrange volontiers avec les préceptes des Saintes Écritures. Laurent, au contraire, est frêle, peureux, austère et intègre. Ce tandem nouvellement formé va alors traquer un crocodile gigantesque qui décime la population, partir à la recherche d’un avion tombé dans la jungle et rencontrer une jeune thésarde étudiant la vie sexuelle des autochtones. Ainsi commence Papous, le premier des sept tomes de la série Les Exploits d’Odilon Verjus, parus de 1996 à 2006.

En 1993, le scénariste Yann (Les Innommables, Mezek et de multiples suites et hommages) et le dessinateur Laurent Verron (Le Maltais, la reprise de Boule et Bill) font connaissance. Une complicité naissante, la lecture de 21 ans chez les Papous du père André Dupeyrat et le soutien d’Yves Sente, membre du comité de direction des éditions du Lombard, posent les fondements d’un personnage truculent et de son faire-valoir. Les précisions historiques y côtoieront l’humour potache, l’ancrage dans les classiques de la bande dessinée franco-belge des années 50 et 60 permettra néanmoins un renouvellement du ton, mêlant citations latines et allusions salaces.

Ni triomphe ni anonymat pour Les Exploits d’Odilon Verjus, qui ont leurs adeptes mais ne figurent pas dans les listes des incontournables, auxquels l’éditeur offre une seconde vie avec le volume ouvrant son intégrale. Outre le premier titre, il propose Pigalle (1997), Eskimo (1998), Adolf (1999) et un dossier introductif riche d’informations et d’illustrations, soient deux cents pages de déplacements dans l’histoire et d’humour décalé.

L’une des forces de la saga est de renouveler totalement à chaque aventure le contexte historique : à la Nouvelle-Guinée succèdent les trottoirs de Pigalle. Puis le Vatican missionne les compères chez les Esquimaux, avant qu’ils ne fréquentent Joséphine Baker et des illuminés à croix gammée dans le Berlin de 1932. Le rythme des péripéties est l’objet d’un soin particulier, ainsi que la verve des dialogues, dans une tradition qui évoque immanquablement, mais sans plagiat, René Goscinny.

Laurent Verron s’est formé auprès de Roba. C’est donc l’école de Marcinelle qui est ici illustrée (les gros nez en moins), avec son mélange de réalisme et de fantaisie, son expressivité et sa poésie. Certaines cases auraient pu figurer dans des albums de Spirou et Fantasio ou de Gil Jourdan. La lecture successive des quatre épisodes permet d’apprécier l’évolution du trait de Laurent Verron et la subtilité croissante des récits.

Il convient de saluer cette réédition sous la forme d’un volumineux bouquin bien ouvragé, qui rend de nouveau accessibles ces aventures irrésistibles, trépidantes, drôles et impertinentes, qu’il aurait été injuste de laisser sombrer dans l’oubli. Ce brave et débonnaire Odilon dédramatise, ne s’offusque de rien et n’a peur de personne. Il est un éternel optimiste, sans être naïf pour autant. Ceci le rend indispensable.

Moyenne des chroniqueurs
8.0