Ghost Kid

A vril 1896, le nord du Dakota est encore bien enneigé. La vie d'Ambrosius Morgan, alias Old Spur pour le peu d'amis qu'il lui reste, n'a rien de réjouissant. Le vieux vacher qui occupe seul un ranch isolé a plusieurs jours de marche de toute civilisation passe ses longues journées à élever le bétail dont il a la charge. Aussi, quand la missive qu'il reçoit des mains de sa relève lui apprend qu'il est le père d'une petite fille aujourd'hui devenue femme, il n'a plus qu'un seul objectif : la retrouver coûte que coûte.

Outre une histoire persuasive à plus d'un titre, la superbe couverture claque comme un coup de feu dans le silence pesant du désert. La suite et son contenu ne font que confirmer l'excellente première impression. Conséquence, ce sont tous les passionnés de western qui sont irrémédiablement aspirés par ce one-shot signé par un des maîtres du genre, Tiburce Oger. Après La Piste des Ombres et Buffalo Runner l'auteur renoue avec un thème qui lui est cher. Comment ne pas écarquiller les yeux et rester en admiration devant la finesse et la précision du trait, le souci du détail et la touche abstraite de l'aquarelle ? Pour parfaire le tout, l'artiste peaufine son oeuvre avec des angles de vue et des cadrages qui sont loin de le mettre en difficulté, tant il paraît à l'aise également dans cet exercice. L'ensemble, d'un réalisme absolu, est particulièrement jubilatoire.

Des cow-boys, des gibiers de potence, des Indiens et d'inévitables règlements de comptes, que les puristes et les conservateurs soient rassurés, même s'ils ne tiennent pas des rôles prépondérants, oui, il y en a quelques-uns. Mais l'intérêt est ailleurs, bien loin des sentiers battus. Il est dans les pas et le périple d'un homme aussi sauvage et têtu que son troupeau qui se décide enfin à jouer le rôle de père qu'il n'a pas su tenir auparavant. Soudainement sollicité par la femme que jadis il aima, il entreprend de partir à la recherche de sa descendance en entamant un long et dangereux voyage vers la frontière mexicaine. Cet itinéraire va l'amener à faire la rencontre surprenante d'un papoose en proie au mutisme, le collant autant que les éperons à ses bottes. À moins qu'il ne s'agisse d'un jeune fantôme, le fruit d'une hallucination due à un début de folie ? Récit d'une forme de rédemption, le scénariste dupe son public en installant douceur et tendresse au sein d'un décor habitué aux scènes hostiles et violentes. Monté sur son appaloosa, lentement et sans s'en apercevoir, le lecteur est, pour son plus grand plaisir, désarçonné.

Avec des pleines pages qui mériteraient l'encadrement ou un format poster, une trame étonnante et réussie, Ghost Kid dégaine fort et fait mouche.

Moyenne des chroniqueurs
7.3