Marvels 1. Marvels

E n 1939, Phil Sheldon n’est encore qu’un sale gosse de Brooklyn inexpérimenté et se sentant immortel. Il rêve de séjourner sur le Vieux Continent, de couvrir la Seconde Guerre mondiale et de se construire une carrière. De temps à autres, un périodique lui commande quelques négatifs. Un jour, il assiste à la présentation à la presse de la création de Phinéas T. Horton. Sous une cloche en verre, un homme attend. Le scientifique envoie de l’oxygène et l’individu s’enflamme. C’est la naissance de la Torche Humaine. Témoin de l’émergence d’un nouveau paradigme, le reporter capte l’apparition de ces êtres merveilleux qui prolifèrent. Le journaliste présomptueux de sa prime jeunesse enregistre sur pellicules les exploits de Namor, Captain America ou bien des Fantastiques. D’abord, dans l’espoir de se faire un nom, mais très vite, parce qu’il identifie le choc et la frayeur que la population éprouve à l’égard de ces demi-dieux.

À l’occasion des quatre-vingts ans de la Maison des Idées, les artistes Kurt Busiek et Alex Ross ont été sollicités en vue de produire un dénouement à la mini-série Marvels. Étonnement et pour le plus grand plaisir des lecteurs, l’illustrateur a accepté de reprendre les pinceaux. Il faut dire que l’artiste avait refusé de réaliser la suite, Marvels : Eye of the Camera. La mission avait alors échoué sur la table à dessin de Jay Anacleto, dont la prestation graphique ne manquait pas de sel.

Pour la circonstance, le scénariste a conçu une scène s’intégrant à l’œuvre originale. Phil Sheldon et ses deux filles déambulent au centre Rockefeller. En famille, ils savourent l’instant et flânent autour des décorations de Noël. Soudain, une sentinelle attaque des mutants. À travers les yeux du photographe, l’écrivain revisite une séquence culte tirée de Uncanny X-men numéro 98. À l’époque, Chris Claremont et Dave Cockrum avaient profité d’un kiosque de fin d’année pour bousculer l’équilibre des relations des élèves du professeur Xavier. Au cours de cet épisode, Jean Grey est enlevée par un robot gouvernemental. Véritable climax de la série, ce rapt inaugure l’arc narratif qui verra naître la force Phoenix.

Les superlatifs manquent au moment de qualifier le travail d’Alex Ross. La justesse des proportions, des perspectives et sa technique de la couleur directe trahissent une haute formation académique. Alors que l’extra-musculature des héros, les cadrages renversants et ses compositions mettent en évidence une appétence de longue date pour les comics et ses grands noms. En 1994, ses pages étaient déjà exemplaires. Pourtant, des doutes ont été portés sur sa capacité à livrer des planches puisque, ces dernières années, le maître s’est spécialisé dans la livraison d’illustrations colorées. Au final, le rendu est époustouflant. L’auteur intègre certes de nouvelles teintes à sa palette. Seulement, contrairement à ses couvertures, Alex Ross joue une partition subtile. Il distille un rose et un jaune diffus qui ne jurent pas avec l’ambiance de fête, des luminaires et des sirènes de police.

L’épilogue ne vaut sûrement pas une publication spéciale cloîtrée à l’intérieur d’un fascicule contenant davantage de rédactionnels et de bonus que de matières premières. À destination du marché américain, un soft-cover est tout de même paru dans ce type format de manière à ravir un public d’initiés. En Europe, Panini a raisonnablement intégré les quinze feuilles supplémentaires à sa réédition de Marvels. Les amoureux de toujours ne perdent rien au change. Ils pourront courir les librairies afin de se faire une idée de l’opportunité de compléter cette saga. A contrario, les récents convertis à la religion super-héroïque jouiront d’un récit in extenso. Un régal !

Moyenne des chroniqueurs
8.0