Raven (Lauffray) 1. Némésis

X VIIème siècle, la piraterie est à son apogée. Raven traîne la sale réputation d'être un poissard. La dernière campagne à laquelle il a participé s'est d'ailleurs soldée par un désastre absolu : deux bateaux ont sombré corps et âmes. Sur l'île de Tortuga, plus personne ne veut s'associer à ce "Jonas". Mais un concours de circonstances lui donne l'opportunité de rebondir. Il découvre l'existence d'un trésor fabuleux dissimulé sur un coin de terre maudit, Morne Au Diable, perdu en plein océan. Il se lance alors dans une course contre la montre pour devancer la terrible Darksee.

En duo avec Xavier Dorison, Mathieu Lauffray avait ébloui grâce à Long John Silver, une tétralogie pleine de bruit et de fureur qui imaginait une suite habile à L'Île au trésor. C'est en solo qu'il renoue avec cet univers. Il s'inspire cette fois très librement d'un récit peu connu de Robert E. Howard : La vengeance de Black Vulmae.

Graphiquement, Raven est impressionnant. Par exemple, l'abordage qui occupe les premières planches est spectaculaire à souhait. Quant à celles se déroulant dans l'effervescence de Tortuga, elles restituent parfaitement le caractère foisonnant de ce point de rencontre où tous les aventuriers convergeaient entre deux coups. Enfin, Morne au Diable suinte le malaise et la peur. Il n'y a franchement pas grand-chose à reprocher au dessinateur.

Le scénariste n'est malheureusement pas de la même trempe. Raven évoque clairement Pirates des Caraïbes. Lauffray a fait le choix d'une intrigue entièrement tournée vers l'action. Dans la scène d'ouverture, le héros est présenté enchaîné à une ancre jetée dans la mer. Le lecteur est ensuite transporté quelques jours en arrière pour assister à l'attaque d'un galion espagnol. Le ton est donné. La suite sera également menée à un train d'enfer. Les péripéties s'enchaînent, efficacement, mais sans surprise. Les ingrédients sont connus et éprouvés. Le cahier des charges est respecté à la lettre et le résultat préfère miser sur le divertissement à outrance, à la Michael Bay, plutôt que sur l'originalité.

À condition d'accepter de se laisser porter par l'énergie de ce premier volet, Némésis remplit son contrat. Mais il faut alors faire abstraction du peu de substance des principaux protagonistes. Raven manque singulièrement de charme et de charisme. Ce genre de personnage n'est jamais aussi intéressant que lorsqu'il oscille entre séduction et répulsion, ce qui n'est pas le cas ici. Il faut aussi un antagoniste à la hauteur. Là encore, Darksee n'arrive pas à susciter quoi que ce soit. Mélange de Lady Dragon et Kriss de Valnor, elle existe à peine. C'est là que le travail d'un Dorison ou d'un Nury aurait permis d'apporter plus de profondeur à ce récit. En l'état, il n'est que plaisant, vite lu et oublié.

Moyenne des chroniqueurs
5.2