Peau d'Homme

D u haut de sa tour, Bianca observe son futur fiancé. Et oui, à dix-huit ans, il est temps pour la belle Italienne de se marier ! Cependant, elle aurait préféré pouvoir choisir son mari, car ce riche marchand, certes plaisant, se révèle surtout du goût de ses parents. Comment en apprendre davantage sur cet individu qu'elle ne connait pas et dont elle va devoir partager l'existence ? À point nommé, sa marraine lui révèle un secret de famille bien gardé par ses membres féminins : une peau d’homme ! En s'en enveloppant, la jeune fille se change en Lorenzo et possède ainsi l'opportunité d'infiltrer, incognito, le monde masculin et d'en apprendre plus sur son Giovanni. Mais en faisant fi des contraintes imposées à sa gente, Bianca pourrait bien entrevoir tout autre chose...

Après le prometteur Boiseleur, Hubert reste dans l'ambiance médiévale avec ce nouveau one-shot. Ce conte interroge avec talent le rapport au genre et à la sexualité, en y mêlant habilement la prégnance de la religion et la bienséante morale. Le développement de l'héroïne est progressif : elle s'ouvre et s'offre à la liberté, délivrée du carcan inhérent à sa condition de femme. L'éveil de ses sens lui donne des ailes et de l'audace, elle expérimente, boit, cogne, aime, vit selon ses envies, tout simplement... C'est finalement un parcours initiatique, puisqu'à travers ses péripéties et les expériences qu'elle partage, elle se découvre elle-même. Déjà dans Monsieur Désire ? , le scénariste exploitait cette restriction des droits due aux différences et aux regards extérieurs, quels qu'ils soient. Le ton est juste, gentiment irrévérencieux et coquin, néanmoins toujours pertinent ; il participe grandement au plaisir de cette excellente lecture.

De nouveau choisi comme dessinateur par son comparse, Zanzim fait des merveilles avec son style caricatural, caractéristique des Blain, Tanquerelle et autre Kerascoët. Enlevé, épuré et expressif en diable, son trait fin s'habille d'aplats de couleurs naturelles, donnant un petit côté ancien, parfait pour l'incarnation de la période évoquée (Renaissance). Le découpage, classique, n'empêche pas quelques effets graphiques dans la structure du cadre des planches.

Alors que juin finit par proposer cet ouvrage, février annonçait la triste nouvelle du décès d'Hubert. Comme dans Beauté, les auteurs proposent sous la forme d'une fable un récit à la résonance éminemment moderne puisqu'en écho à celle du monde contemporain.